Le premier département moutonnier de France est le garde-manger le mieux fourni pour les loups. Depuis des mois, la tension et le stress montent chez les éleveurs à mesure des attaques du prédateur. 231 attaques mortelles en 2017 contre 95 en 2016.
Mélanie Brunet est éleveuse de brebis viande à Sévérac-d’Aveyron. Elle a été confrontée dès mai 2016 à une attaque de son troupeau : 7 agneaux et une brebis sont tués. Avec d’autres éleveurs elle a créé l’association « Cercle 12 », dont elle est co-présidente et qui regroupe 170 éleveurs ovins, concentrés principalement en sud Aveyron. Elle a rencontré Emmanuel Macron au Salon de l’agriculture et lui a fait passer les revendications des éleveurs ovins après la publication du « Plan Loup », fort d’une pétition signée par 800 personnes dont 44 parlementaires et environ 300 élus locaux.
« Le problème majeur de perte de biodiversité en France, ce n’est pas l’absence de loup mais l’artificialisation des terres. »
Interview donnée le 24 février.
Visiblement le Plan Loup n’a pas l’air de vous satisfaire ?
L’une de ses principales mesures vise à faire passer l’effectif des loups de de 360 à 500 animaux. Il est animé d’une logique qui vise à augmenter le nombre de prédateurs. A travers le Plan Loup, l’Etat légalise le trouble à l’ordre public.
Que vous a dit le Président de la République ?
Qu’on aurait droit à des autorisations de tirs dans les zones moutonnières. Et qu’il faudrait veiller à réintroduire le loup suffisamment loin des zones agro-pastorales … Je n’y crois pas. Ce qu’on demande, c’est une brigade de l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage ( ONCFS ) proche de chez nous. Alors qu’elle est aujourd’hui mobilisée pour les Alpes. Nous voulons anticiper les attaques de loups, plutôt que de les subir.
Pour vous, c’est tardivement qu’on a pris conscience des méfaits du loup en Aveyron ?
On a longtemps entretenu l’idée que les attaques venaient de chiens errants. J’en étais aussi convaincue que les autres éleveurs. Lorsque mon troupeau a été attaqué, un piège-photo a permis de prouver qu’il s’agissait d’un loup (ci-dessus). La Direction Départementale des Territoires (DDT) a dû reconnaître qu’il s’agissait bien d’un loup. Les agents de l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS) doivent en principe scalper l’animal égorgé afin de retourner la peau du cou pour chercher les trous des crocs et les hématomes. Ce qu’ils ne font pas toujours.
Il y a pourtant un éventail de mesures de protection des troupeaux ?
Cela fait 25 ans qu’on a pris des mesures de protection contre les loups dans les Alpes principalement. Ils ont su les contourner puisque 90% des troupeaux attaqués sont protégés.
On avait d’abord prévu des regroupements nocturnes des troupeaux. Aujourd’hui, les attaques ont lieu le jour une fois sur deux. Les clôtures prévues également n’ont pas fonctionné, il faudrait qu’elles atteignent deux mètres de hauteur pour être efficaces.
Justement que pourrait-on faire en Aveyron ?
Le préfet de l’’Aveyron a commandé une étude à l’INRA qui a bâti des hypothèses. Pour les 45 communes du sud Aveyron concernées, il faudrait 2650 chiens Patous et un plan de clôtures d’un coût de 35 millions d’euros. Ne parlons pas des impacts sur les paysages que cela engendrerait.
Alors ? Et si l’on mobilisait les chasseurs ?
Peut-être. Je pense que c’est à l’Etat de trouver des solutions.
Il y a aussi ces hybrides, résultat d’un croisement entre chiens et loups, qui eux, ne rentrent pas dans le quota de protection du nombre de loups tués ? Et donc que l’on pourrait abattre plus facilement.
Nous avons fait faire des analyses génétiques à partir des prélèvements sur nos animaux tués. On a retrouvé que des prédateurs aux origines d’hybrides, ce que les services de l’Etat n’avaient jamais reconnu auparavant.