«Du côté de la place Clichy, se trouve le café Wepler qui fut longtemps mon repère favori. Je m’y suis assis à l’intérieur ou sur la terrasse, par tous les temps. Je le connaissais comme un livre. Les visages des serveurs, des directeurs, des caissières, des putains, des habitués même ceux des dames des lavabo sont gravés dans ma mémoire comme les illustrations d’un livre que je lirais tous les jours. »
Voilà quelques lignes tirées de « Jours Tranquilles à Clichy » d’Henry Miller, écrivain américain célèbre pour l’érotisme débridé de son œuvre et la déclaration de guerre permanente qu’il livra au puritanisme américain ; cela lui valu longtemps de voir ses livres interdits outre-atlantique. L’action autobiographique se déroule durant les années trente, dans le quartier de la place Clichy et notamment dans ce Wepler que l’écrivain fréquenta durant sa période de bohème parisienne. Il y décrit d’ailleurs des rencontres très très chaudes.
Près de neuf décennies plus tard, Wepler est toujours là, planté sur la place Clichy comme la proue d’un paquebot. On lui a certes amputé dans les années cinquante son dancing et son académie de billard pour construire le cinéma Pathé voisin.
Mais ceux qui y ont aimé, dansé, lu, bu au cours de toutes ces années, lui sont demeurées fidèles. De fait, règne dans cette grande brasserie, quelque chose d’intact et d’unique, un parfum authenticité que l’on ne perçoit plus dans d’autres maisons parisiennes tombées les unes après les autres dans le giron des grandes chaînes.
Bref, Wepler demeure une institution sur la rive droite. On y vient pour de multiples raisons. Pour ses huîtres et ses fruits de mer renommés et préparés par un écailler fidèle qui compte parmi les meilleurs de France. On y vient aussi pour déguster de la cuisine de grande brasserie. A commencer par la choucroute bien sûr ( 18,50€) ou le croustillant de pieds de porc, jus au parmesan sans oublier la joue de bœuf braisée, pommes vapeur ou l’andouillette 5A. On peut aussi y venir pour l’ambiance ou faire des rencontres…
Le nom Wepler à consonance alsacienne ne laisse pas imaginer que, depuis près de quarante ans, l’affaire est aux mains d’Aveyronnais. Originaire de Pruines et de Mouret, Michel Bessières après avoir piloté le navire durant des années a cédé les commandes à la famille Joulie en octobre 2017. Et pas question pour eux de toucher à l’âme de cette grande maison ! Quelques notes sur la carte révèlent l’origine rouergarte des patrons comme un plateau de fromages composé du roquefort Gabriel Coulet, ou dans la belle carte de vin, un marcillac du Domaine du Cros signé Philippe Teulier…
Le Prix Wepler
Seule innovation, mais on serait tenté de dire dans la tradition, à l’instar de ses homologues de la rive gauche, Lipp ou Les Deux Magots, Wepler a créé un prix littéraire avec le soutien d’un libraire de la Butte Montmartre en partenariat avec la fondation de la Poste. Un renvoi d’ascenseur à la littérature à tous ses écrivains qui ont noirci des pages de roman sur ses banquettes s’imprégnant de l’ambiance. En 15 ans, le prix Wepler a acquis une sérieuse reconnaissance. Et en librairie le bandeau prix Wepler ne se rate pas.
On notera enfin que nombre de personnalités du cinéma et des arts s’y donnent rendez-vous ou cultivent le hasard et la coïncidence savamment calculée d’une « rencontre fortuite » entre professionnels.
Tout en sachant que Montmartre n’est pas loin. Et qu’hier comme aujourd’hui, les nombreux artistes qui résident sur la butte n’ont jamais dédaigné de la descendre pour rallier le Wepler. Ainsi peut-on, avec de la chance, apercevoir quelques vedettes du 7ème art…
Wepler14, place de Clichy
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