Qu’est-ce que l’aligot, d’où vient-il, doit-il être protégé ? Une procédure de mise en consultation pour décrocher une Indication Géographique Protégée (IGP) « Aligot de l’Aubrac » est en cours.
Ce ne sont pas encore les tables de la loi sur l’aligot. Mais cela pourrait le devenir. L’objectif de ses initiateurs, à commencer par la coopérative Jeune Montagne, est bien de contrecarrer les contrefaçons sur l’aligot.
Car les barquettes qui se multiplient sur les linéaires ont une origine et une fabrication de plus en plus variées. Et pour cause, « l’aligot business » est profitable. On a même vu un groupe agroalimentaire belge en produire.
A la fin février 2003, André Valadier (fondateur de Jeune Montagne), nous expliquait avoir reçu après cette première phase de mise à l’enquête publique pas mal de réactions et d’oppositions de producteurs notamment du Cantal. «Ces réactions justifient amplement notre démarche, car elles prouvent bien les tendances marquées par la délocalisation et la dénaturation du produit qui se dessinaient.»
L’affaire est entre les mains de l’INAO, (Institut National des Appellations d’Origine) qui va diligenter des enquêtes sur le terrain pour la poursuite de la procédure.
Description :
Plat cuisiné traditionnel de l’Aubrac à base de purée de pommes de terre (65 % maximum), de tome fraîche (30 % minimum) et de matières grasses laitières (10 à 15 %).
Matières premières :
Les pommes de terre sont issues de variétés retenues dans le Catalogue français des variétés de pomme de terre 2001 (Institut technique de la pomme de terre, Fédération nationale des producteurs de plants de pomme de terre, Institut technique des céréales et des fourrages) et répondant aux critères suivants :
– appartenir aux groupes culinaires B ou B-C : pommes de terre à purée (cf. annexe) ;
– avoir une bonne teneur en matière sèche : une note de 5 minimum (sur une échelle de 1 à 9) ;
– avoir une bonne aptitude à la conservation : une note de 5 minimum (échelle de 1 à 9) ;
– avoir un noircissement à la cuisson faible à moyen.
La tome fraîche au lait cru et entier est un fromage frais au lait de vache cru entier, égoutté, acidifié et non salé. Le lait utilisé pour fabriquer cette tome doit répondre aux caractéristiques suivantes :
– la ration de base alimentaire des vaches est composée de fourrages grossiers pâturés ou conservés exclusivement par voie sèche ;
– les vaches pâturent durant 120 jours minimum ;
– la production laitière annuelle ne doit pas dépasser 6 000 litres par vache (moyenne du troupeau) ;
– le taux protéique du lait > 32 g/l.
Les matières grasses laitières utilisées sont les crèmes de lait ou de lactosérum, le beurre doux cru ou pasteurisé.
Les ingrédients autorisés sont le sel, le poivre, l’ail, la muscade ou autres substances aromatisantes naturelles, lait entier ou demi-écrémé.
Aligot de l’Aubrac :
Caractéristiques physiques :
– filant (hauteur du fil > 5 fois la masse d’aligot), lisse et se détachant bien de la spatule et du récipient de cuisson ;
Caractéristiques chimiques :
– humidité : 70 % maximum ;
– matière grasse totale : 12 % minimum ;
– protéines totales : 6 % minimum ;
– glucides différence : 12 % maximum ;
– gras/sec : 40 % minimum ;
Caractéristiques microbiologiques :
– salmonelles : absence dans 25 g ;
– listeria : absence dans 25 g.
Aire géographique :
L’aire géographique de production de lait, de fabrication de tome fraîche, d’élaboration et de conditionnement de l’aligot est l’Aubrac, zone à cheval sur les départements de l’Aveyron, de la Lozère et du Cantal. La délimitation de cette zone est basée sur celle de deux territoires : le territoire correspondant au berceau historique de la race Aubrac et le territoire traditionnel de fabrication fromagère. (Les pommes de terre ne peuvent pas actuellement être produites dans la zone IGP Aubrac. L’association s’engage à réaliser une étude de faisabilité pour un approvisionnement en pommes de terre dans cette zone.)
4.4. Preuve de l’origine :
La traçabilité est maîtrisée de la production du lait jusqu’à la commercialisation de l’aligot de l’Aubrac aux consommateurs. Durant les étapes de production de lait, collecte, de fabrication de la tome, d’élaboration de l’aligot de l’Aubrac, de conditionnement et de commercialisation, une identification spécifique est effectuée et des documents suivent le produit du producteur de lait jusqu’au point de vente.
4.5. Méthode d’obtention :
4.5.1. Elaboration de la tome :
La tome fraîche est la base de l’aligot de l’Aubrac. Elle est fabriquée dans la zone de l’Aubrac avec du lait produit dans cette même zone. Son mode de fabrication répond aux exigences définies ci-dessous :
– ramassage : le lait de vache est collecté au maximum toutes les 24 heures ;
– stockage : le lait peut être stocké au maximum 24 heures en laiterie avant d’être transformé ;
– réchauffage/ensemencement/emprésurage : le lait ne peut subir aucun traitement de standardisation. Il doit être transformé « cru et entier ». Il ne subit qu’un réchauffage (entre 30 et 35 oC) avant la coagulation. Le lait peut être ensemencé en ferments avant d’être emprésuré ;
– travail en cuve et au presse-tome : après durcissement le coagulum est découpé afin d’obtenir des grains de caillé qui peuvent être brassés. Un prépressage visant à séparer le caillé du lactosérum peut être réalisé. Le caillé est ensuite transféré au presse-tome où il subit plusieurs séquences de pressage et de retournements afin d’amener l’extrait sec du caillé à une valeur minimale de 48 % à j + 1 ;
– acidification/maturation : elle dure 20 heures au minimum et 72 heures au maximum. Le pH de la tome après cette maturation doit être > à 5.00.
4.5.2. Préparation de la purée :
A partir de pommes de terre : mettre à cuire les pommes de terre épluchées et les broyer pour obtenir une purée.
A partir de flocons de pommes de terre : verser de l’eau chaude (environ 70 oC) sur les flocons et, éventuellement, ajouter la matière grasse laitière. Laisser gonfler et homogénéiser ce mélange.
4.5.3. Elaboration de l’aligot de l’Aubrac :
Une fois la purée obtenue, la tome coupée en morceaux, en lamelles ou broyée est ajoutée. A ce stade, il est possible d’incorporer la matière grasse laitière et les autres ingrédients :
– aligot servi frais : tout en homogénéisant, le mélange est cuit à feu doux afin de faire fondre la tome. Ce mélange doit être filant en fin de cuisson. Il peut alors être servi à l’assiette (restaurant) ou en barquette (traiteur) ;
– aligot frais conditionné sous vide ou sous atmosphère contrôlée : le mélange purée, tome, matières grasses laitières et ingrédients fait l’objet d’un traitement thermique lui permettant d’être conforme aux caractéristiques microbiologiques définies par la réglementation en vigueur. L’ordre des opérations d’élaboration n’est pas figé ;
– aligot surgelé : le mélange purée, tome, matières grasses laitières et ingrédients fait l’objet d’un traitement thermique lui permettant d’être conforme aux caractéristiques microbiologiques définies par la réglementation en vigueur. Ce traitement est suivi d’une surgélation telle que définie par la réglementation en vigueur et d’un conditionnement. L’ordre de ces opérations n’est pas figé.
Conditionnement et conservation :
L’aligot de l’Aubrac peut être servi (notamment dans les restaurants) sitôt élaboré dès que le mélange est homogène et filant.
Il peut également être conditionné sous les formes suivantes :
– en barquette, mise sous vide ou sous atmosphère contrôlée, puis conservé au froid positif (4 oC). La DLC est sous la responsabilité du fabricant ;
– en barquette, refroidie à une température inférieure à – 18 oC et conservée en chambre négative (température inférieure ou égale à – 18 oC). La DLUO est sous la responsabilité du fabricant ;
– surgelé puis ensaché et conservé en chambre froide négative (température inférieure ou égale à – 18 oC). La DLUO est sous la responsabilité du fabricant.
Lieu :
L’Aubrac est un pays d’altitude caractérisé par un climat rigoureux et homogène avec, notamment, des hivers longs. Du fait du relief, la pluviométrie annuelle locale est abondante et favorise, rapidement après l’hiver, la pousse de l’herbe au printemps et en été.
Depuis mille ans, les conditions de ce milieu ambiant avaient conduit les hommes vivant dans ce territoire à développer des « économies pastorales » basées sur l’herbe et à façonner une race bovine remarquablement adaptée : la race Aubrac. Ce sont les moines de l’abbaye de l’Aubrac et de l’abbaye de Bonneval qui établirent les fondements de l’économie pastorale en Aubrac.
L’Aubrac est une étape sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, les pélerins se présentant aux portes des abbayes demandaient quelque chose (aliquid en latin devenu « aliquot », puis « aligot » en occitan) à manger. Les moines leur servaient une soupe, mélange cuit de pain et de tome fraîche. Cette recette s’est conservée jusqu’à nos jours, notamment depuis le xixe siècle où le pain a été remplacé par les pommes de terre. La révolution chassa les moines d’Aubrac, mais ils ont transmis leurs pratiques fromagères aux buronniers (fromager-vacher). L’aligot de l’Aubrac, plat riche et complet, est alors devenu le plat de fête des buronniers, puis le plat du vendredi dans toute la région. La suppression de l’obligation de faire abstinence le vendredi a failli faire disparaître cette recette. Mais de jeunes agriculteurs désireux de valoriser leur production laitière ont créé, en 1960, une laitière coopérative. Cette coopérative qui a fait revivre l’AOC Laguiole a permis la relance de l’aligot de l’Aubrac, qui est alors devenu un plat régional traditionnel nationalement, voire internationalement connu.