Le scandale des lots de lait contaminé pour bébés n’empêche pas Lactalis de déployer une belle artillerie de marketing fromager. Ainsi de Lou Perac, sa marque de fromage de brebis Lacaune que le numéro 1 mondial du secteur laitier (CA de 17,3 Mds d’Euros) souhaite faire monter en puissance sur les linaires de la GD. Au détriment du roquefort dont il est aussi le leader avec Société ? C’est toute la question. Surtout à un moment où le « roi des fromages » fait face à un fléchissement de ses ventes (moins de 12% en 10 ans).
En septembre, Lactalis a donc sorti un Lou Perac Goustal avant de dégainer un mois plus tard avec un Lou Perac Bio. Le premier avec une pâte couleur ivoire est presque crémeux, onctueux comme un saint-nectaire, il a également une belle longueur en bouche. «Le lait provient de brebis de race Lacaune, élevées dans la zone de collecte du cahier des charges de l’AOP Roquefort, dans un rayon de moins de 100 km de la fromagerie.» explique-t-on chez Société quand on demande s’il s’agit des mêmes éleveurs que ceux qui produisent le roquefort.
Car pour reprendre le jargon de la « com », le story-telling est sacrément verrouillé. «Avec ses bergers, Lou Perac participe ainsi à la préservation des paysages typiques de la région des Grands Causses et de ses alentours.
Lou Perac, le meilleur des brebis ! » assure le dossier de promotion Lou Perac. De quoi faire se poser des questions existentielles aux éleveurs de brebis Lacaune œuvrant pour Roquefort dont les familles façonnent les paysages du Sud Aveyron depuis quelques siècles … S’ils sont perdus, ils pourront toujours interroger Emilien, le fromager virtuel de Lactalis qui, nous assure-t-on, en connaît un rayon sur les terroirs. Même si ce dernier semble à des années lumières de Maurice Astruc, vrai affineur moustachu du Combalou et incarnation vivante du roquefort, plus célèbre à son époque que ne fut la Mère Denis…
On rappellera que la sortie du premier Lou Perac en 2006 avait créé pas mal de remous autour du Combalou. Ce persillé de brebis- avait été accusé de porter un coup fatal au Roquefort Société. Alors ? Alors depuis peu, les relations commerciales entre producteurs de lait et industriels ne sont plus encadrées par des accords généraux. Chaque éleveur négocie directement avec l’industriel. La pression est sans doute plus forte. Et le prix payé pour le lait destiné au Lou Perac bien inférieur à celui payé pour le roquefort qui demeure un fromage AOP de brebis au lait cru.
Et si le Lou Perac s’avérait plus profitable que le Roquefort Société à produire ? Interrogé sur les volumes de production du Lou Perac, l’industriel se refuse à communiquer. Seule consolation (mais en est-ce une ?) le Lou Perac n’est pas aveyronnais mais lozérien. Autrefois produit à Saint-Georges de Luzençon, sa production a été transférée au Massegros. En Lozère donc.