Il n’y aura pas de Pérail AOP. Réuni le 13 juin, le comité national des produits laitiers de l’INAO a rejeté à une majorité des 26 voix contre 7 pour et 5 bulletins blancs la reconnaissance en AOP de ce petit fromage historique et onctueux des causses.
L’affaire risque de faire d’autant plus de bruit que les collectivités – département de l’Aveyron et région occitane- sans parler de tous les élus avaient mouillé leur chemise pour la reconnaissance du Pérail. Et que les producteurs travaillaient ce dossier depuis 1994…
Sur le plan de l’histoire et de la délimitation du territoire, le Pérail ne posait aucun problème aux yeux de l’INAO. En revanche, sur le plan de la fabrication, à différentes reprises, l’INAO avait alerté sur l’impossibilité d’inclure dans un cahier des charges d’AOP autant de techniques de fabrication : ajout ou non d’eau, égouttage, démoulage, stockage, lait cru ou thermisé, durée de maturation et d’affinage… Et c’est bien cette variabilité des modes de fabrication qui a motivé la non reconnaissance de l’AOP.
Difficile, dès lors, de ne pas songer à un plan machiavélique de Société (Lactalis), membre du groupement mais qui n’avait pas participé aux récentes conférences de presse. Réalisant 70% de la production avec 1000 tonnes de pérail sous la marque Lou Pérac, la Société des Caves n’avait sans doute aucun intérêt à voir une AOP Pérail poindre avec ses contraintes. En ne défendant pas un cahier des charges incluant une seule technique de fabrication du Pérail, les hommes de Société savaient que l’AOP Pérail serait condamnée.
Reste la déception des petits producteurs qui travaillent sur ce dossier depuis 25 ans… Pourtant, l’obtention de l’AOP pour ce petit fromage à l’odeur caractéristique de suin aurait signé une revanche sur le roquefort. Car le Pérail – qui tire son nom du mot peralhière, l’évier de pierre en occitan sur lequel on égouttait les fromages – est historiquement le fromage des causses. Presque disparu avec le développement du roquefort qui mobilisait tout le lait des brebis du causse, le pérail avait été relancé avec la contestation née de l’extension du camp militaire du Larzac dans les années 70 et l’arrivée de nouveaux occupants des fermes expropriées. «Quand on me demande un Lou Pérac sur le marché de Millau en désignant un pérail, j’avoue que ça m’agace un peu » nous confiait justement Jean-Luc Bernard, éleveur à la Ferme des Truels qui fut la première à produire du Pérail.