Avec Jean-Claude Luche et Alain Marc, l’Aveyron a envoyé deux nouvelles têtes au Sénat. Enfin pas si nouvelles que cela pour le monde politique local. Puisque le premier est président du Conseil général et le second député de l’Aveyron.
Depuis près de 140 ans, le Sénat est la consécration d’une carrière pour un homme politique français. Ce palais du Luxembourg fait rêver avec ses dorures, ses huissiers, ses assistant(e)s parlementaires que l’on peut choisir parmi ses proches et bien sûr sa bonne table. Dans ce palais de la Médicis, l’épaisseur de la moquette étouffe vite toutes les ardeurs et ce qui reste de convictions. Dans le « milieu », ce palais a un nom: « le cimetière aux éléphants ».
Chers Sénateurs aveyronnais, si vous êtes doués – ce dont nous ne doutons pas- vous voilà partis avec la trompe de votre renommée, pour au moins trois mandats. Soit 18 ans pour un montant d’indemnités par tête (frais de représentations et de rémunération des collaborateurs inclus) d’environ 4,5 millions d’Euros. 9 millions à deux. Compte non tenu de vos indemnités de retraites.
Rapportés à la puissance et à la hauteur des réflexions qui animent la Haute Assemblée, évoquer ces quelques millions peut sembler faire preuve d’une basse mesquinerie. Même si les petits Aveyronnais qui savent encore calculer et qui commencent leur existence avec une dette de 30 000 €, (25 000 en 2010…) nourriront peut-être un jour à votre égard une pointe de ressentiment d’avoir été le symbole de l’incapacité absolue de notre système à se réformer.
La solution pour vous éviter cette épée de Damoclès d’une condamnation des jeunes générations serait alors peut-être de voter pour la fermeture du Sénat. Solution sacrilège mais pas forcément anti-républicaine que bien des Français appellent de leurs vœux. Car il faut bien le dire, les arguments développés depuis des décennies, sur la « grande sagesse » de la haute assemblée ou la représentation du pays profond et notamment de ses communes rurales, ne tiennent plus devant les nouvelles plaies ouvertes : dépeuplement des campagnes, destruction de la biodiversité, clivage de plus en plus profond avec les villes…
Hélas si Marthe Richard est bien parvenue à obtenir la fermeture de maisons closes, le Général de Gaulle a malheureusement échoué en 1969 à bouleverser un Palais clos. L’austère Jospin, quand il séjournait à Matignon, avait été le seul à admettre publiquement que ce sénat « ne servait à rien ». Mais depuis, calculant déjà le montant de leurs points de retraite, tous nos grands élus rasent les murs.
Chers sénateurs aveyronnais, nous vous faisons confiance. Si cela n’a pas déjà commencé, parions que, dans un grand élan de générosité qui vous coûtera si peu, à une fréquence bien soutenue, vous vous ferez une fête d’accueillir à Paris, dans votre nouveau Palais, des cars entiers d’ouailles et sans bourse déliée, pour juger que notre République est grande et que notre cher Aveyron s’honore que vous comptiez … parmi ses prophètes !