Politique Portraits

José Bové

José Bové assis à côté de Michel Bras chez Carayon ( Saint-Sernin sur Rance) lors d'un débat sur la "malbouffe" en mars 2001

Quelques questions sur le personnage José Bové

Bové et les attributs Aveyronnais ?
José Bové aurait-il connu le même destin s’il avait été céréalier dans la Beauce, éleveur de porc en Bretagne, ou betteravier en Picardie ? Qui sait !
Certes si sa personnalité est faite de résistance au pouvoir, de courage et de ténacité, sa notoriété est aussi le fruit d’une “association“ avec l’Aveyron. Les attributs aveyronnais n’ont pas peu fait pour contribuer à sa réputation.
Ainsi, quand il découvre l’Aveyron et qu’il se joint à cette révolte des paysans du Larzac contre l’extension du camp militaire. Il endosse une lutte de petits paysans. Une vraie révolte venue du cœur de paysans en voie de spoliation.
A l’époque, il y avait un consensus sur place contre ce projet parmi les élus de toutes couleurs.
Devenu éleveur de brebis laitière pour Roquefort, son image mondiale est accolée à celle du Roi des fromages, la plus ancienne AOC française.
Signe de caractère et symbole français de contestation repris par les pub d’IBM voilà plus d’un an.

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Bové, la loi et la liberté
Bové par ses méthodes d’action directe, (Mac Do, arrachage des plans OGM) a parfois bien du mal à se départir d’une influence d’extrême gauche dont on a vu les funestes dérives à l’œuvre durant les années 70. Nombre d’Aveyronnais, s’ils adhèrent à sa cause, ne sont pas encore convaincus par l’action directe. Il est vrai que la situation Corse ou celle de certaines cités n’incitent pas à l’exemplarité de la voie de fait.
De même, Bové et ses amis tirent à boulets rouge sur l’ultra libéralisme. Au risque parfois de jeter le bébé avec l’eau du bain. Nul ne nie les abus des multinationales et les dérives de Wall Street, cela vaut-il pourtant de mettre en bémol une autre valeur chère aux Aveyronnais : celle de la liberté. Qu’auraient fait les Aveyronnais à la fin du XIXe siècle sans liberté d’agir et de créer, c’est une question que se posent certains aveyronnais qui ne voient pas leur avenir au sein d’un service public français surdimensionné. Aujourd’hui encore, bistrots rouergats ou PME du pays tenus en famille, continuent de prendre leur destin en main quitte à ne pas compter leurs heures. Un anachronisme à l’heure des 35 heures pour certains ? Qu’importe, le bon sens chevillé au corps, bien de ces Aveyronnais attendent un retour sonnant et trébuchant. Même s’ils ont parfois l’impression que les amis de José Bové -ceux du “mouvement social“- dans leur quête d‘égalitarisme, ont parfois du mal à saisir leurs aspirations.

Bové, mobilisateur Aveyronnais
La présence de José Bové augmente la mobilisation sur un sujet et sa médiatisation. Ainsi, a-t-il participé à l’opposition d’un projet d‘extension d’une porcherie industrielle dans le Sud Aveyron.On l’a vu également participer à des débats sur la malbouffe organisés par des hôteliers aveyronnais qui voyaient là aussi un moyen de rappeler leur revendication d’une baisse de TVA sur la restauration. En revanche, les Aveyronnais ont du mal à le suivre par exemple à l’occasion de son voyage en Palestine.

José Bové avec Michel Bras, lors d'un débat sur la malbouffe en mars 2001 à Saint-Sernin sur Rance chez Carayon

José Bové avec Michel Bras, lors d’un débat sur la malbouffe en mars 2001 à Saint-Sernin sur Rance chez Carayon

Bové : Acteur mondial ou paysan local ?
L’enfer est pavé de bonnes intentions. Quand Bové explique à PPDA sur TF1 le 9 septembre 2003, lors de son rassemblement de Cancon (Lot-et-Garonne), que ce sont les subventions de l’Union européenne et les USA qui empêchent les agriculteurs du tiers-monde de s’en sortir en ne pouvant écouler leurs productions en Occident, il a tout à fait raison. Sauf à oublier que l’agriculture aveyronnaise est une agriculture de montagne, subventionnée plus qu’ailleurs. (voir notre rubrique agriculture). On a beau argumenter sur la fin des subventions à l’exportation, dans les faits, cela ne change pas grand chose. De ces subventions dépendent le maintien des paysages, d’un mode de vie, d’éléments de base de la vie rurale. Car il faudra du temps pour que la pratique des AOC, ou le Bio -qui patine en Aveyron- parviennent à compenser dans les revenus des petits paysans la chute des subventions.
Dans cette même interview, Bové défendait la politique des AOC, en citant l’exemple du Roquefort et du riz Basmati qui devrait en bénéficier. Que répond-t-il aux Grecs qui réclament eux aussi l’appellation Féta, et contre laquelle le Sud-Aveyron a manifesté de façon unanime. Car la production de Féta permet d’écouler les surplus de lait de brebis non utilisés pour la fabrication du Roquefort. C’est là tout le problème. Les bonnes intentions ont du mal à lever les contradictions d’un discours. Surtout à l’heure de l’élargissement de l’Union Européenne, et de l’arrivée sur le marché des productions agricoles polonaises ou hongroises.

Bové, un enjeu bien loin de l’Aveyron ?
Même un scénariste débutant n’aurait pas osé écrire un tel retournement. Voilà un type que l’on envoie chercher en hélicoptère chez lui, fin juin 2003, pour le conduire en prison comme l’ennemi public N°1. Deux mois plus tard, on retrouve le même en train de serrer la main d’un ministre de l’Intérieur aux anges lors d’un débriefing suivant le Teknival. A la fête de l’Huma comme à la place Beauvau, Bové est un enjeu. Certains pensent qu’il pourrait jouer le même rôle, qu’a joué le Pen quand François Mitterrand -en réintroduisant la proportionnelle- avait mis en selle le leader nationaliste pour malmener durablement la droite traditionnelle. Or aujourd’hui, Bové déstabilise le PS. Évidemment, dans ce jeu pervers et florentin, les élus de droite sur place, conseillers généraux et députés, qui s’acharnent à faire comme si Bové n’existait pas, pourraient bien finir par se sentir comme les dindons aveyronnais de cette farce nationale. Le plus grave est ailleurs : c’est le risque de discréditer un peu plus la politique et ses institutions, au risque de jeter davantage de citoyens vers des aventures dangereuses.