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José et l’Aveyron, Ni bon, ni Bové ?

Que pensent les Aveyronnais de José Bové ? S’il est un département concerné par la saga de cet originaire du Bordelais, installé sur le Larzac depuis 28 ans et devenu le héraut de l’altermondialisation, c’est bien l’Aveyron. Cela se lit sur les graffitis qui s’étalent sur les murs ou les panneaux routiers.

Avec quelques contradictions : au sud, le “libérez bové“, se transforme parfois au nord en “bové enc…“. Nous avons posé la question à des Aveyronnais de tous horizons de savoir si Bové était bon ou mauvais pour l’Aveyron.
Leurs opinions, qui n’engagent que leurs auteurs et n’ont aucun caractère représentatif, ont le mérite de balayer toutes les interrogations que suscitent le personnage. Pour certains, il fait parler de l’Aveyron en l’associant à l’idée d’un pays qui produit des choses saines et bonnes. Pour d’autres, au contraire, Bové n’a pas d’impact sur l’économie aveyronnaise et les derniers épisodes de sa Saga, (voyage en Palestine, OMC) le mettent très loin de l’Aveyron.

Jean-Pierre Marc, vigneron à Estaing.
« Même si je suis du Nord-aveyron, l’important avec Bové c’est qu’on parle du pays. Car cela a des grandes chances de faire venir les gens. »

Guy Costes, ancien éleveur bovin à Saint-Amans des Cots, aujourd’hui à la tête du camping Les Tours.
«En 1988, lorsque j’ai arrêté l’agriculture, les techniciens agricoles nous poussaient encore à la production. A l’époque, on parlait d’intensification. Seul comptait le rendement, il n’y avait pas de réflexion sur le long terme. Sur ce plan-là, le rôle de José Bové a été positif car il a déclenché une réaction saine orientée vers une logique de qualité. Ce faisant, il a renforcé l’attractivité de l’Aveyron justement connu pour la qualité de ses produits, avec une agriculture et des productions appréciées par les touristes. C’est un bon point pour nous que cette réaction soit partie d’Aveyron. Il n’empêche qu’aujourd’hui l’image de Bové est plus brouillée. En tout cas, elle est très loin du paysan aveyronnais.»

Jean-Claude Luche, maire de Saint-Geniez d’Olt, et président du CDT
«Je ne vois pas ce qu’il peut amener à l’Aveyron. J’ai du mal à analyser ou à quantifier les retombées directes. Il y a d’autres personnalités qui sont médiatiques, des chefs d’entreprise, par exemple. Mais elles n’ont pas d’incidence directe sur leur département. Si en Aveyron, on a fait cet été une bonne saison, je ne pense pas qu’on le doive à José Bové et à son rassemblement. Quant à la malbouffe, la différence se fait sur les produits, pas sur les discours. Le consommateur sait parfaitement faire ses choix sans qu’on le lui dise.
Dans ma commune, j’ai comme administré Maurice Astruc. (l’affineur moustachu des publicités de Roquefort-NDLR). Et je préfère cette image de l’Aveyron. En tout cas les touristes sur place s’en souviennent. »

Jean-Louis Cros, Aveyronnais de Paris, originaire de Sainte-Geneviève sur Argence. Directeur d’une société de High-Tech, spécialisée dans le GPS, Vendome technologies
«Bové est bon pour l’Aveyron car c’est un extraordinaire communiquant. Il suffit de voir le coup de « Cancon » pour s’en convaincre, il était présent sur tous les médias. Des slogans comme “la terre n’est pas une marchandise“, permettent de pondérer le côté incontrôlable de certaines multinationales. Car le consommateur final prend conscience de son rôle, par exemple, à l’encontre des produits fabriqués par des enfants. Je ne sais pas sur les OGM, mais il a obligé à ouvrir le débat, sinon cela serait passé comme une lettre à la poste.»

Denis Belugou, éleveur de brebis lacaune à Combret-sur-Rance (200 brebis) filière Roquefort Société.
«C’est sûr, il fait connaître l’Aveyron. Il défend les petits paysans –pas simplement les Aveyronnais- et une ruralité qui pourrait être autre, pas celle du productivisme. Où va-t-on s’il n’y a plus qu’un gros agriculteur par commune ? »

Michel Tournier : président de la CCI de Rodez
«Tout le monde sait que Bové est Aveyronnais, et c’est une valeur qui sait s’exporter. Il a son discours et je ne veux pas faire de commentaires. On retrouve chez lui quelques traits bien aveyronnais. Par exemple, un souci de la nature, de la qualité de vie, de l’entrepreneur de petite PME qui se bat. L’Aveyron a toujours donné des gens qui se battaient, comme le Cardinal Marty ou Raymond Lacombe. En ce sens Bové se rattache un peu à cette tradition. Sur l’impact économique, l’économie aveyronnaise ne rêve pas de Bové. Roquefort n’a pas attendu Bové pour percer ; tout comme le Larzac avait déjà avant lui une image de nature sauvage. A ce sujet, la nouvelle image du Larzac avec ces rassemblements de gens qui vivent sur une autre planète n’est pas celle que nous souhaitons. Il n’empêche : aujourd’hui on peut se demander ce qu’il reste du Bové Aveyronnais.»

Hervé Lantuech, pâtissier à Espalion
«Je ne peux pas être contre la malbouffe et en cela Bové fait parler de l’Aveyron et ça c’est une bonne chose. En revanche, je ne suis pas du tout convaincu par le personnage car il est irrespectueux de la loi. Arracher des plants qui ont demandé 15 ans de travail à des chercheurs et qui pourraient permettre de soigner des maladies infantiles, ou démolir un Mac Do, et trouver que c’est anormal d’être sanctionné, c’est ce qui me gène le plus. Si un artisan se permettait de faire le 1/10 de ce qu’il fait, il irait en tôle illico. »

Jean-François Sagne, originaire de Decazeville, patron d’un bistro à Paris 14é (l’Alouette)
«Pour l’image de l’Aveyron, il est bon par rapport à la mal-bouffe. Même s’il n’est pas Aveyronnais, son discours reflète bien les gens du pays, et cela met en valeur les produits aveyronnais. Après, lorsqu’il part sur d’autres sujets, par exemple sur la Palestine, c’est beaucoup plus délicat.»

Jean Laurens, Président de la Chambre d’Agriculture d’Aveyron
«Je suis très mitigé, car je connais l’homme depuis 20 ans, depuis qu’il a débarqué en Aveyron. J’ai eu l’occasion d’être confronté à lui sur le dossier du lait de brebis Roquefort et depuis je doute de sa sincérité. Il a eu le mérite d’avoir fait passer les messages sur la mondialisation et le commerce équitable. Ce que je regrette c’est qu’avant lui Raymond Lacombe avait posé les mêmes problématiques dans les milieux professionnels mais que, malheureusement, il ne passait pas dans les médias. José Bové fait parler de l’Aveyron. Mais je ne voudrais pas qu’en terme d’image l’Aveyron soit assimilé à la Rave et au Larzac. Quant à la malbouffe, si les produits d’Aveyron marchent bien, je ne crois pas que cela soit du fait de son discours. J’y vois plutôt un résultat de notre politique de signes officiels de qualité. Globalement, je crois qu’il fait du mal à l’Aveyron. »