Un conseiller général socialiste élu dans le canton de Mur-de-Barrez l’un des territoires les plus conservateurs de l’Aveyron… Il y a encore dix ans, un tel cas de figure aurait été inimaginable. Seulement voilà en Barrez, on n’a pas voté à gauche mais pour l’enfant du pays celui qui est revenu après dix ans passés à Paris à vendre de la bière pour Tafanel. Rentré au Pays au début des années 2000, il tient deux petits cafés. Un à Thérondels l’hiver, l’autre à Laussac l’été.
Et il a passé ces dernières années à plaider pour des débats plus transparents sur des projets que les décideurs locaux croyaient acquis comme des parcs d’éoliennes ou une marina sur le Lac de Sarrans. Jean-Claude Luche a qualifié d’accident son élection. Mais à bien y regarder l’accident n’était peut-être pas si imprévisible.
Interview donnée le 12 avril 2011
Vous êtes une « anomalie », vous avez été élu alors que vous êtes socialiste, dans un canton rural qui a toujours voté à droite ?
Le canton de Mur-de-Barrez n’est pas passé à gauche. Même des gens de droite ont voté pour moi. Les gens ont élu quelqu’un du pays qui proposait un projet. Car je suis toujours resté sincère sur mon étiquette contrairement à mes compétiteurs qui partaient sans étiquette.
Si on vous qualifie de « socialiste des champs », ça signifie quelque chose pour vous ?
Oui, cela étant j’ajouterai pragmatique et ouvert, j’ai horreur de l’intolérance et des clivages partisans en politique, où qu’ils soient, et il y en a à droite comme à gauche!!
Alors c’est d’abord de défendre une présence des services publics en milieu rural comme le préconise le concept de « bouclier rural » précisé dans le programme du PS. De défendre également notre agriculture du Massif Central , aujourd’hui la dérégulation et les conséquences de la spéculation provoquent de graves difficultés pour le monde agricole, nous devons défendre notre agriculture spécifique. Cela signifie aussi quelque chose par rapport à une problématique particulière au canton de Mur-de-Barrez. Il faut tout faire pour défendre l’entreprise publique, concessionnaire des ouvrages hydroélectriques de la Truyère dans le cadre de la libéralisation du marché de l’énergie demandée par la Commission européenne.
Depuis 1948, on avait un système qui marchait bien. EDF produisait, transportait et distribuait l’énergie. On avait un des tarifs les moins chers d’Europe et le même partout en France. On va démanteler le système pour ouvrir le marché à d’autres sociétés. Par exemple, dans l’hydraulique, cela consiste à donner certaines concessions au privé.
Ces tarifs bas sont aussi liés au nucléaire non ?
Oui. Mais c’est le programme du CNR (Conseil National de la Résistance) qui a nationalisé les sociétés électriques en 1948 pour créer une seule société. Maintenant à cause de l’Europe, on démantèle ce service public.
Pour la production hydroélectrique, il faut qu’on donne des concessions au privé, et dans le cadre de la NOME EDF devra céder 25% de sa production d’origine nucléaire à des sociétés privées pour qu’ils nous le revendent. En fin de compte, quoi qu’il se passe, les consommateurs paieront plus chère leur facture. Et ça c’est se moquer du monde.
Cela étant ce n’est pas le conseiller général du Carladez qui va revenir sur ces problématiques. En revanche, que l’on soit en accord ou pas avec cette libéralisation, il faut se préoccuper de la concession des ouvrages hydroélectriques de la vallée de la Truyère dont le sort pourrait changer le 1er janvier 2015. C’est aujourd’hui que les élus doivent se battre pour en tirer le meilleur parti pour le nord Aveyron. Voilà pourquoi, il faut rencontrer et dialoguer avec les gens d’EDF, comme avec les responsables des autres sociétés candidates.
Et l’Eolien, vous vous étiez mobilisés contre certains projets en Carladez ?
Ici le sujet est réglé depuis quelques années puisque après étude, il n’y a pas assez de vent constant en Carladez. Cela étant, de manière plus générale, là aussi on se moque du monde. On fait preuve de la légèreté. On se rend compte que l’énergie éolienne a une capacité de production réduite, les pays qui y recourent ont besoin de nous racheter de l’énergie pour compenser leur faiblesse. De plus demander à EDF d’acheter plus cher une énergie que le prix qu’elle nous la revend à nous consommateur, sans être un grand économiste, cela ne peut pas durer très longtemps comme système !
Que préconisez-vous pour le développement d’un monde rural comme le Carladez ?
Je crois par exemple à la pertinence du télétravail. Il ne faut pas simplement en parler, il faut le faire. Il faut aider les jeunes qui sont partis -par exemple à Paris- à revenir, à créer ou à reprendre une activité, c’est à un changement historique de déplacement pour les jeunes actifs qu’il faut travailler : de Paris vers l’Aveyron ! Un retour au Pays ça se prépare, il faut en connaître les avantages et les aléas. Je l’ai moi-même vécu. Mais il faut rester modeste, c’est une assistance au cas par cas. Par mes connaissances et mes réseaux dans la limonade parisienne, j’essaierai de tout faire pour y contribuer.
De plus même si le Carladez est une entité historique à part entière, nous désirons intégrer le Parc Naturel Régional de l’Aubrac, nous sommes aux marches de l’Aubrac, certes, mais nous désirons être partie prenante de ce territoire de projets qui va être un des derniers PNR de France.
Et l’avenir de l’agriculture sur place ?
Quarante agriculteurs sur près de 200 vont partir à la retraite sans succession sur le canton de Mur. On a un énorme boulot pour aider les jeunes à s’installer avec les organisations professionnelles agricoles, les syndicats comme les JA qui sont très préoccupés par ce sujet, les banques, les collectivités. Sinon, la situation risque d’être difficile pour le pays, l’agriculture c’est la colonne vertébrale du territoire
Comme je vous le disais tout à l’heure, le monde agricole est complètement perdu aujourd’hui. Les paysans sont pris dans une mondialisation économique qui leur échappe et pourtant on a jamais eu autant besoin des agriculteurs.
Des informations sur la nouvelle PAC 2013 laissent entendre que les petites structures seront plus aidées notamment par rapport à la spécificité de leur production. Produire du lait du Massif Central n’est pas la même chose que produire du lait en Hollande. Bref, on commence à comprendre qu’il n’y a pas qu’un seul modèle agricole productiviste. Et ça c’est intéressant. On peut espérer que l’agriculture ait sa place pour des productions de qualité et des petites structures.