Avec ses trois belles brasseries à Boulogne, Issy-les-Moulineaux et Antony et ses 90 salariés, Renaud Chantegrelet a de quoi faire… « Je passe dans chaque affaire tous les jours. » assure-t-il. L’homme affiche fièrement sa passion d’Icare devant son café Paulette – prénom de sa maman- sur les quais de Seine à Issy-les-Moulineaux non loin de l’héliport de Paris. C’est une Alouette II, le premier hélico de l’armée de l’air. D’ailleurs, les riverains se donnent rendez-vous au « bistrot à l’hélico».
Il en pilote une autre pour descendre en Aubrac, pays des origines. Il n’est pas le seul néo-bougnat dans ce cas. Le Cantalien Olivier Bertrand, le N°2 de la restauration (Lipp, Burger King etc..) tâte aussi du manche. Mais Renaud Chantegrelet n’a pas craint de faire rimer handicap et hélico. Il est depuis 2022 le premier paraplégique pilote d’hélico au monde. Pendant des mois, afin de décrocher une certification spéciale de la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC), il a bossé et a recouru au service de Velica -consultant aéronautique- pour concevoir un « malonier » qui a les mêmes fonctions qu’un palonnier – les commandes au pied d’un pilote aéronautique-. Sauf qu’en l’espèce, toutes les commandes se font à la main … Pas question d’avoir la tremblote.
Pour transmettre sa passion à ceux qui en sont les plus éloignés, il a créé en 2020 avec d’autres passionnés les Ailes de l’Aubrac, une association qui lui permet de faire voler des jeunes handicapés à bord de l’Alouette. « Quand j’ai croisé le regard du premier enfant que j’ai emmené, j’ai senti mes poils se hérisser. Ce genre d’émotion projette loin des petites pensées sur la réussite économique qui prévaut dans mon milieu …», témoigne-t-il.
Renaud Chantegrelet a eu un accident de moto à 14 ans qui l’a rivé sur un fauteuil roulant. Pour lui, ce n’était pas une raison pour abandonner ses rêves de gosse. Ce titulaire d’un brevet de mécanique a d’abord fait de la compétition en Quad durant six ans avant de passer à l’ULM, à l’avion puis … à l’hélico. Dans le même temps, il accomplissait une belle carrière de restaurateur.
En bon fils d’une famille de bougnats originaires de l’Aubrac, il a d’abord travaillé dans le bistrot familial rue Soufflot (Paris 5ème) avant de prendre, à l’âge de 18 ans, une civette à Bercy. « J’y ai bossé comme un forcené ». En 2009, il s’installe à Boulogne devant l’île Seguin. « Personne ne croyait à cette affaire dans ce nouveau quartier du Trapèze envahi de grues. », confie-t-il. Ses premiers clients sont des professionnels du BTP qu’il fidélise en faisant graver des laguiole Honoré Durand à leur prénoms pour qu’il tranchent leur viande d’Aubrac. Aujourd’hui, face à la Seine Musicale, son Café Renaud – devant l’ex-Régie Renault…- aimante avec sa belle allure de brasserie contemporaine les différentes clientèles du quartier.
Agé de 42 ans, les épreuves ne semblent pas avoir eu de prise sur lui. Son visage semble comme juste sorti de l’adolescence et son sourire évoque celui des héros des BD des « sixties » Buck Dany ou Michel Vaillant. Ça tombe bien, il a l’énergie juvénile qui va avec. A son contact, on oublie d’ailleurs le « fauteuil ». Il est comme un furet dans ses affaires. Passé par ici, repassé par là. Il se déplace avec la fluidité d’un patineur. Et se fait intarissable pour partager sa passion du métier et ses milles aspects : sens du détail, de l’acoustique, de l’accueil. Cela se ressent dans l’ambiance de ses brasseries. D’où cette cordialité, du souci du client et du bien faire qui anime ses équipiers.
Dans l’assiette, en bon Aubracien, il « envoie » de la saucisse et de l’aligot Jeune Montagne. Qu’il s’agisse d’une entrecôte d’Aubrac ou de rognons, Renaud Chantegrelet a la passion du produit et achète avec pertinence. Deux nuits par semaine, il file à Rungis. « Cela permet d’économiser un intermédiaire, c’est toujours ça de gagner pour le client » . Autant sans doute que pour la marge du patron … Il pousse à l’innovation ses équipes en cuisine pour imaginer de nouvelles propositions telle une raviole de crevette ou un fondant de bœuf – polenta crémeuse. Des assiettes qui sont en cohérence avec la déco contemporaine où les bouteilles de vins sont mises en lumière comme des danseuses de comédies musicales de l’âge d’or d’Hollywood.
Quand ses « zincs » lui en laissent le temps, l’idée le taraude de faire des infidélités à son Alouette avec une Gazelle … Avec son association, il a acquis un exemplaire de cet hélico célèbre de l’armée de l’Air. L’appareil subit sa Très Grande Visite, cette grande remise à plat règlementaire où l’hélico est entièrement démonté sous le contrôle de la DGAC. Une fois certifié pour son pilotage, il sera capable de voler à 250 km/h. De quoi rejoindre l’Aubrac plus vite et de faire vibrer encore d’autres enfants.
Chez Paulette – 110 rue Camille Desmoulins 92130 Issy-les-Moulineaux
Café Renaud – 58 Quai Georges Gorse, 92100 Boulogne-Billancourt
Brasserie Jean – 6 place du Marché, 92160 Antony
