Politique

Rodez : l’affaire Station A

Installée dans les Haras de Rodez rue Eugène-Loup depuis février 2020, l’équipe de Station A s’inquiète pour son avenir. Une pétition de sensibilisation a été lancée fin décembre pour la défense du tiers-lieu ruthénois. Elle a rassemblé près de 4000 signatures…Soit un habitant sur six…


Impliquant la municipalité et le Conseil départemental, l’avenir de Station A se transforme en abcès. Un révélateur des mutations de l’Aveyron entrainant un décalage des élus avec la société civile. Voire une scission avec bien des entrepreneurs Aveyronnais… Ce qui est inédit. 

Station A dispose d’un restaurant de plein Air, la Prairie

Ah, ces tiers-lieux ! Ce n’est pas un hasard s’ils éclosent comme coquelicots au printemps dans nombre de villes françaises. Espaces alternatifs hybrides associant des espaces de co-working, d’artisanat et de restauration où activités sociales et business se côtoient. Ces lieux parlent aux jeunes et interpellent les vieux. Ils bénéficient d’un soutien gouvernemental. Le Premier ministre Jean Castex, a d’ailleurs annoncé un soutien financier de l’Etat de 130 millions d’euros. 

«Sur un an, nous avons eu 120 000 visiteurs. Autant que le musée Soulages.»


A Rodez, Station A est populaire. «Sur un an, nous avons eu 120 000 visiteurs. Autant que le musée Soulages.» assure son directeur général, Alain Hay.  Le lieu est attractif avec de multiples activités. Un restaurant « La Prairie », des activités de bien-être, de la techno et de l’artisanat avec un Fab-Lab, un espace co-working, un service de  livraison de repas. Sans évoquer le « Liens », le restaurant de réinsertion animé par Véronique Bras et son beau-frère, Frédéric Chaillou patron du Café Bras…


Jean-François Galliard, l’ancien président du Conseil Départemental, séduit par le projet, s’était engagé sur la signature d’un bail à construction à Station A leur permettant de lancer des emprunts pour financer la rénovation de la chartreuse située dans les haras. Le nouveau président du Conseil Départemental, Arnaud Viala a préféré, lui, céder les Haras à la ville de Rodez au nom de l’aménagement urbain qui relève de la compétence municipale. (lire son interview). Ainsi, le vote entérinant cette cession devrait avoir lieu le 4 février. 


Et Christian Teyssèdre dans tout ça ? Le maire (DVG mais soutien d’Emmanuel Macron) ne veut pas entendre parler de Station A dans les Haras. La mairie aurait proposé un autre emplacement à Station A. Celui du camping municipal de Layoule… Ce qui fait bondir Guillaume Angles, président de Station A. «Un vieux camping avec un bloc sanitaire, c’est ce moquer du monde» s’emporte celui qui a conduit la quincaillerie familiale  ruthénoise  et séculaire vers des sommets en 15 ans avec 270 employés et un chiffre d’affaires de 60 M€.

Et quid de l’Evêché ? 

C’est Arnaud Viala qui le dit. Tel un mécano, les sorts des Haras et  de l’Evêché, éléments majeurs du patrimoine ruthénois sont liés. Ainsi, il se dit que les 5 millions d’euros tirés de la vente des Haras permettraient au Conseil départemental de financer la rénovation de l’Evêché. Mais vers quoi tendrait cette rénovation ? Des rumeurs évoquent un emménagement des services du Conseil général. Vilain symbole pour les contribuables alors que les bureaux de la collectivité ont été rénovés il y a quelques années. Depuis la renaissance ruthénoise grâce au musée Soulages, et malgré l’épisode Mathias Echène, ce palais fait encore rêver des personnalités aveyronnaises à des projets d’envergure capables d’incarner le meilleur de l’Aveyron. Pas sûr que les élus du département fassent les mêmes rêves … 

Que va devenir le palais épiscopal de Rodez ?


De fait, cette présidence de Guillaume Angles à Station A – donne de la crédibilité à une structure parfois critiquée. Ainsi l’Hebdo dans son édition du 21 janvier rapportait qu’un membre de Station A s’était présenté à Centre-Presse lors d’une réunion de sensibilisation à la préfecture comme un salarié dénonçant le risquant de perte d’emplois avec la fin de de Station A. Or rapporte l’Hebdo il serait inscrit au chômage depuis deux mois… Pour sa défense, le président de Station A  précise que «ce salarié a eu  un CDD cet été…et que c’est au titre de sa promesse d’embauche et d’administrateur qu’il défend l’emploi à station A». Il est vrai que le nombre de salariés de la structure est évolutif, il va de 15 à 30 selon la saison explique Alan Hay, le DG. Au total, on compterait 90 « stationnautes »  (intervenants, locataires d’espaces etc.). A terme le site, prévoit-on, pourrait recevoir 40 à 50 structures pour 250 actifs.

«Station A a un côté révolte du Larzac. Cela fait peur aux « bourgeois du piton ». Avoir un peu trop de rêveurs, ça les dessert. C’est bien de ne pas payer de loyer mais ça ne rend pas service longtemps.» observe un ancien cadre du Conseil Départemental.

Et de fait, le loyer de Station A pour les Haras est de 5000€. «Attention, du fait des économies de gardiennages et de dépenses d’entretiens – autrefois à la charge du Conseil départemental et désormais assurés par Station A- cela donne en fait un loyer de 155 000 €» estime Guillaume Angles. Station A a prévu d’emprunter 7 millions d’euros pour rénover la chartreuse. Alain Hay, le directeur général de la structure, assure avoir convaincu de participer au projet outre le Credit Agricole, la Caisse des Dépôts, la foncière Bellevilles. Quant à  Guillaume Angles il aurait un plan de soutien d’entreprises aveyronnaises agissant en mécènes. Ce qui permettrait, selon lui, de réunir très vite 400 000 €. De quoi alléger l’équilibre financier d’un emprunt. Beaucoup condamnent peu ou prou la position d’Arnaud Viala qui scelle ainsi une sorte d’alliance objective sur leur dos avec la municipalité. Certains Aveyronnais de Paris célèbres comme Jean-Louis Costes auraient d’ailleurs manifesté leur incompréhension auprès des élus face à la remise en cause d’un tel projet. 

Avant d’être des Haras, décidés par Napoléon, le lieu abritait une chartreuse fondée en 1511 par Hélion Jouffroy, chanoine de la cathédrale de Rodez.

Pour tous, c’est la position de Christian Teyssedre qui paraît totalement incompréhensible.  «La CCI est pour le tiers-lieu. Ce projet va dans le sens de l’histoire, il permettrait de redonner de l’attractivité à l’Aveyron, notamment en termes d’images vis-vis des jeunes qui  trop souvent quittent le département.» affirme Guillaume Angles. 

Le maire de Rodez, lui, ne sort pas de sa tour d’ivoire. Il n’a pas répondu à nos questions. Que fera-t-il alors des Haras quand la ville en sera propriétaire ? Il avait confié son souhait, il y a quelques années, d’y implanter un institut d’art culinaire… Zut, il y a déjà Véronique Bras et bien d’autres chefs qui œuvrent déjà à Station A. A qui pourrait-il le confier alors ? A Cyril Lignac ?