«Tiens, le Société, c’est un fromage au lait de vache, maintenant ?» Visiblement oui. Lactalis, géant mondial ( 9 milliards d’Euros de chiffre d’affaires) et maison mère de Société, s’apprête à commercialiser le bleu des causses sous marque Société. La pilule est d’autant plus difficile à avaler pour les autres acteurs de la filière que Société est emblématique de l’AOC Roquefort.
«Après le lancement d’un bleu de brebis pasteurisé voilà quelques mois sous la marque Lou Perac, ce bleu des causses Société créera une confusion de plus pour le consommateur» explique Robert Glandières, nouveau président de la Fédération régionale des syndicats d’éleveurs de brebis . Un Conseil d’Administration de la Confédération de Roquefort prévu début février 2008 promet d’être chaud. «On ne se fait pas trop d’illusion. Ils n’ont pas tenu compte de nos inquiétudes avec le persillé Lou Perac (devenu depuis Bleu de brebis persillé) ». Alors ?
Autre son de cloche chez Société : « On comprend l’inquiétude, mais il fallait réagir pour sauver le Bleu des Causses, explique Thierry Zurcher, en charge des AOC chez Lactalis. Le Bleu des Causses a perdu 70% de ses volumes, parallèlement à la montée en puissance du concurrent Saint-Agur. On va le relancer en libre-service sous un emballage Société mais bleu. La marque Beulet n’a pas marché, et créer une nouvelle marque coûtait trop cher, nous avons donc voulu lui faire profiter de la notoriété de Société en matière de persillé, même si nous savons que Société est d’abord une marque de roquefort. Toutes nos équipes ont travaillé pour qu’il n’y ait pas de confusion, d’où la marque bleue. »
N’empêche toute AOC qu’elle soit, le bleu des causses –persillé au lait de vache, a un cahier des charges bien moins exigeant que le Roquefort, notamment concernant le lait de vaches qui peuvent être de toute race et qui est pasteurisé …
Chez Lactalis, allez savoir pourquoi, le Bleu des Causses était donc jusqu’à présent vendu sous la marque savoyarde d’origine Beulet. Longtemps, la communication sur ce persillé a été limitée au minimum. Du coup, il n’a cessé de décliner passant de 2000 tonnes produites par an à 800. Et pourtant…le Bleu des Causses Beulet avait décroché une médaille de bronze au concours général agricole 2007.
Alors un bleu des causses Société, n’est-ce pas un pied de nez à l’histoire de la naissance de la première AOC fromagère, Roquefort, créée justement pour contrer la concurrence des caves dites « bâtardes» où bien des fromages étaient produits et affinés dans les failles des causses ? C’est toute la question. «Est-ce le marketing qui commande ? c’est cela qui nous inquiète» s’inquiète Robert Glandières. Tant il est vrai que Lactalis donne parfois l’impression de jouer de ses marques comme des pions, faisant fi de l’histoire des savoir-faire et des terroirs AOC (En Normandie, Lactalis a quitté l’AOC du camembert au lait cru). «C’est inexact, chez Lactalis, on croit aux AOC, on vient d’ailleurs de racheter la “fourme de Montbrison”. Marques et AOC ne sont pas contradictoires. Au contraire, c’est le combat de demain car si on ne fait que des premiers prix, c’est toute la filière qu’on paupérise. » argumente pour sa part Thierry Zurcher. Alors marque et AOC, même combat ?
