Si Roquefort alimente le débat en Aveyron, le camembert secoue le Landerneau gastronomique français depuis quelques mois. En cause : une modification prévue du cahier des charges de l’appellation normande. Dans ce débat, les Aveyronnais ne sont pas absents… En témoigne ce clivage entre par exemple l’Aveyronnais Jean-Marie Cambefort, grand maître de la confrérie des Chevaliers du Camembert ou le chef laguiolais Sébastien Bras sur l’avenir de l’appellation.
Contrairement à roquefort, camembert est un nom générique. Lactalis a créé de la confusion chez le consommateur avec un camembert « fabriqué en Normandie » dont les laits peuvent venir d’ailleurs. Un « calendos » vendu parfois jusqu’à 6 fois moins cher que le vrai « Camembert de Normandie » au lait cru.
Au contraire, le roquefort au lait cru de brebis est ancré dans le sud Aveyron depuis des siècles et fait vivre des milliers de producteurs.
Sous la pression du président de l’INAO, les professionnels du camembert se sont entendus sur un futur cahier des charges du camembert qui vise à créer une appellation à 2 niveaux :
Soit un camembert « cœur de gamme » réalisé avec 30% de lait de vaches normandes broutant en normandie pouvant être pasteurisé. Et un « Véritable camembert » 100% au lait cru de vaches normandes pâturant en Normandie et nourries sans OGM.
Les pragmatiques y voient une chance pour la Normandie, la race normande et ses éleveurs qui dès lors devraient mieux valoriser leur lait. La production de camemberts de Normandie AOP pourrait passer de de 5500 tonnes à 50 000 tonnes. Et la Normandie devenir la grande gagnante avec un fromage plus identitaire et une race mieux valorisée.
Les puristes, comme le chef Sébastien Bras, qui a signé une pétition contre le projet de l’INAO, y voient au contraire le triomphe de la pasteurisation et de l’homogénéisation du goût.
Jean-Marie Cambefort a été dirigeant de l’usine du camembert Lepetit (aujourd’hui appartenant à Lactalis). La listeria a frappé son site en mai 1999. Sur une « pâte molle » tel un camembert, un saint-marcellin ou un reblochon le risque de développer une listéria* est beaucoup plus élevé que pour un roquefort au temps d’affinage très long. Lorsque l’on produit beaucoup, explique-t-il en substance, les laits de différents lots sont mélangés. Conséquence, en cas de suspicion de germe, le volume de lait déclassé est important et le nombre d’éleveurs touchés élevé. Si l’on suit son raisonnement, une solution pourrait être de pratiquer la thermisation pour les volumes importants ( chauffer le lait entre 57 et 68 °C pendant 15 secondes ) de façon à diminuer les risques tout en conservant 80% de la nature originelle du lait. Et réserver le lait cru aux petites unités de fabrication ?
Lire l’interview de Jean-Marie Cambefort et voir le détail du projet normand.