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Gustave Garrigou, vainqueur du Tour 1911

Interview de Roger Lajoie-Mazenc, auteur d’un ouvrage consacré à Gustave Garrigou (entretien réalisé le 8 juillet 2011)

Roger Lajoie-Mazenc n’a pas été qu’un journaliste émérite. Il a derrière lui soixante ans de compétition  cycliste avec au compteur près de 650 000 km… Il en connaît un rayon sur la petite reine. Quel dommage que son livre* consacré à Garrigou ne soit pas réédité. Il sera le 12 juillet à Vabre-Tizac pour dévoiler le diaporama qu’il a réalisé sur ce champion.

garrigou_lajoieVous expliquez dans votre livre que Gustave Garrigou a réalisé le Tour 1907 avec un pignon fixe ? Ça paraît incroyable !
A cette époque -là, on pédalait sans arrêt car il n’y avait pas de roue libre. Dans les descentes, on levait les pieds des pédales, car ça tournait tellement vite qu’on ne pouvait plus suivre. Souvent, on soudait une petite barre sur la fourche pour caler les pieds durant les descentes.

Le Tour des premières années du XXe siècle avait-il le même impact médiatique qu’aujourd’hui ?
Difficile de comparer. Il était sans doute moins médiatisé qu’aujourd’hui. A l’époque, il n’y avait ni radio, ni télévision. Ce n’était pas un phénomène populaire comme aujourd’hui. Dans la « Dépêche» , l’article sur l’étape du Tour tenait en dix lignes. En plus, il y avait un décalage de l’avant-veille puisqu’on ne courait que tous les deux jours car les étapes faisaient 400 à 500 km.  Ce qui est comparable avec aujourd’hui, c’est l’effort musculaire.

A ce propos, vous citez l’exemple du passage du Tourmalet en 1910 où Garrigou fut le seul à ne pas mettre le pied à terre ?
A l’époque, les cols n’étaient pas goudronnés et ça grimpait sec. En 1910, le col du Tourmalet est mis au programme et Garrigou est le seul à le monter entièrement en vélo. Pour cela il touche une prime de 100 Francs. En revanche pour le Galibier qui inscrit au parcours un an plus tard, il a dû, comme les autres, descendre de son vélo.

On a aussi l’impression que les choses semblaient moins jouées qu’aujourd’hui et que le travail d’équipe comptait beaucoup ?
En 1906 et 1907, chez Peugeot, Garrigou se retrouve dans la même équipe que Petit-Breton. Ce denier était un très bon chef d’équipe. Il faisait de l' »interval training », il envoyait un équipier devant, quand celui-ci était rejoint, il en envoyait une deuxième, puis un troisième, ensuite, c’est lui qui mettait la gomme et qui l’emportait.

Durant le Tour 1911, il y a eu aussi l’étape normande qui a été chaude pour Garrigou ?
Lors de l’étape des Pyrénées, Duboc, le favori de l’épreuve avait été empoisonné après avoir bu le contenu d’un bidon qu’on lui avait passé. On avait alors suspecté Garrigou. Lors de l’étape de Rouen, ville de Duboc, on avait promis de se venger sur Garrigou. Ce dernier a eu sérieusement la trouille. Dans la nuit, on a repeint son vélo en noir, il a changé de maillot, on a enlevé les plaques de numéro sur son vélo. Mais Garrigou a finalement traversé Rouen sans encombre. Il faut dire que cette année-là, la ville fêtait le millénaire de la Normandie.
Finalement, Duboc a rendu hommage à Garrigou en expliquant que ce dernier aurait été incapable d’un tel geste. Garrigou lui a rendu politesse en saluant la ténacité du Normand.

On parle de Garrigou car on est en 2011, mais un autre Aveyronnais a remporté le Tour en 1905, Louis Trousselier ?
C’est un Aveyronnais de Paris, ses parents originaires de Vimenet. Son père tenait un magasin de fleurs, boulevard Haussmann. Garrigou et lui se sont souvent retrouvés à l’entraînement sur la Côte d’Azur. Trousselier descendait en train, Garrigou en vélo.

Trousselier avait pris part à la bronca contre Desgranges le directeur du Tour qui voulait encore durcir l’épreuve en ajoutant des étapes de montagne ?
En fait, les coureurs étaient très organisés à l’époque. Pour le Championnat de France 1907, ils ont refusé de participer parce qu’il n’y avait pas de prix. Uniquement des médailles.

Gustave Garrigou
Itinéraire d’un enfant de l’Aveyron devenu géant de la route
Roger Lajoie-Mazenc
Editions : L’Homme Horloge