Artisanat - Industrie

Raymond Courtial, le maître des quilles

Quand on parle de Quilles de huit, à un moment où l’autre, le nom de Courtial vient sur le tapis. Voilà une famille où l’on taille boules et quilles depuis trois générations dans le même atelier du Vibal. «Notre secret de fabrication est dans la poignée, mais motus. Quand on nous amène une boule à réparer, on sait immédiatement si elle a été faite ici rien qu’en y glissant la main» explique le patriarche, Raymond Courtial. Si la boule vient d’ailleurs, ça n’empêchera pas de dépanner le malheureux. Mais pas la peine de lui raconter d’histoires.

C’est le père de Raymond, Victor, menuisier de son état, qui s’est spécialisé dans les quilles quand il a acheté son tour électrique en 1927. Depuis la tradition a perduré dans la famille. Le marché a vraiment décollé en 1946.
Aujourd’hui, l’atelier des Courtial demeure une référence pour les amateurs de Quilles de plus en plus nombreux en Aveyron. Pas un jour sans que n’y passe un client.

quille-courtial2Une boule de chez Courtial peut tenir des dizaines d’années. Et ce, même si la matière première a changé. Auparavant, on recourait à la racine de noyer, impossible à fendre même avec un coin. «On en trouve plus, sans doute parce qu’ils coupent les arbres à la racine.
Du coup, mon fils s’est rabattu sur la bille de noyer plus lourde. » précise Raymond Courtial. Car c’est le fils, Jean-Louis, qui est aujourd’hui dépositaire du savoir-faire familial mais c’est toujours le même tour et les mêmes machines achetées par le grand-père qui lui servent à produire ces beaux objets.




On est à des années lumières de la société de consommation actuelle où les objets ne sont conçus pour servir un an ou deux. Un conseil, ne demandez à Raymond le temps qu’il faut pour produire une boule, ça le met en rogne. «Un artisan ne calcule pas son temps pour faire bien son travail, il y passera le temps qu’il faut. Aujourd’hui, on ne calcule qu’en temps et si c’est pas rentable ici, on fait faire le travail par des enfants dans des pays où on ne paye pas.» Bref, les Courtial ont la religion du travail bien fait, ce qui nous amène très loin du diktat économique de la productivité. Leurs valeurs sont les mêmes que celles des sabotiers, qui dans l’Europe médiévale taillaient à la hachette boule et quilles pour les villageois.
Mais les boules ne sont pas tout dans la vie des Courtial.
Raymond et son fils partagent une vraie passion pour la musique. Après l’accordéon, le premier s’est mis au violon alto à l’âge de 50 ans. Il en a 78. Il se produit avec l’orchestre de Rodez et s’y rend chaque semaine en voiture pour répéter. Pour un menuisier, il est très fier d’avoir gardé ses dix doigts, enseignement paternel des gestes de prudence, transmis au fils, pianiste à ses heures. Quant à Jean-Louis, outre la musique, sa vocation d’enseignant d’occitan a eu raison des boules, puisque, selon l’Aveyronnais, il devrait se consacrer totalement à l’enseignement de langue d’Oc et tirer un trait professionnel sur ses quilles…

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