Agriculture

Quand Victor Hugo comparait les Aubrac et les Salers

Extrait tiré des « Travailleurs de la mer »

L’histoire est un éternel recommencement et il n’y a que les ignorants pour croire aux nouveautés. Ainsi de ce texte tiré des « Travailleurs de la Mer » du père Hugo. A croire que notre grand poète pourrait l’avoir enregistré aujourd’hui dans un bistrot de bougnat autour d’une table. Un débat vif mais classique entre amateurs de viande d’Aubrac et supporters de Salers. Débat qui ne s’arrête pas à la viande mais qui se poursuit au fromage entre les fans du Laguiole et les inconditionnels du Salers …

Une salers en hiver.

Quant à l’Angus beef, qu’Hugo connaissait aussi, il commence à faire aujourd’hui son apparition en Rouergue par exemple dans l’élevage de Puech Maynade.

«Le capitaine Clubin avait son austère mine puritaine ordinaire. Il paraissait redoubler d’attention. Tout était paisible et presque riant à bord de la Durande. Les passagers causaient. En fermant les yeux dans une traversée, on peut juger de l’ état de la mer par le tremolo des conversations. La pleine liberté d’ esprit des passagers répond à la parfaite tranquillité de l’ eau.
Il est impossible, par exemple, qu’ une conversation telle que celle-ci ait lieu autrement que par une mer très calme :
– Monsieur, voyez donc cette jolie mouche verte et rouge.
– Elle s’ est égarée en mer et se repose sur le navire.
– Une mouche se fatigue peu.
– Au fait, c’ est si léger. Le vent la porte.
– Monsieur, on a pesé une once de mouches, puis on les a comptées, et l’ on en a trouvé six mille deux cent soixante-huit.
Le Guernesiais à la longue-vue avait abordé les malouins marchands de boeufs, et leur parlage était quelque chose en ce genre :
– Le boeuf d’ Aubrac a le torse rond et trapu, les jambes courtes, le pelage fauve. Il est lent au travail, à cause de la brièveté des jambes.
– Sous ce rapport, le Salers vaut mieux que l’ Aubrac.
– Monsieur, j’ ai vu deux beaux boeufs dans ma vie. Le premier avait les jambes basses, l’ avant épais, la culotte pleine, les hanches larges, une bonne longueur de la nuque à la croupe, une bonne hauteur au garrot, les maniements riches, la peau facile à détacher. Le second offrait tous les signes d’ un engraissement judicieux. Torse ramassé, encolure forte, jambes légères, robe blanche et rouge, culotte retombante.
– Ca, c’ est la race cotentine.
– Oui, mais ayant eu quelque rapport avec le taureau angus ou le taureau suffolk.
– Monsieur, vous me croirez si vous voulez, dans le midi il y a des concours d’ânes.
– D’ ânes ?»

Victor Hugo