Agriculture

Richard Maillé, le paysan du Larzac devenu chef d’entreprise

Le Larzac comme vivier de la libre entreprise…A quelques centaines de mètres de la ferme de José Bové, Richard Maillé a quitté la filière Roquefort pour commercialiser lui-même son lait de brebis en GIE avec huit autres éleveurs. Et à l’entendre, ça marche plutôt bien. En tout cas, la démarche est plutôt rafraîchissante.

Ils existent des éleveurs ovins sur le Larzac qui quittent le système du roquefort et avec ses prix garantis pour se lancer dans la libre entreprise et commercialiser eux-mêmes leur production. Richard Maillé, 38 ans, à la tête de 250 brebis bio dans la ferme de Potensac -siège de Gardarem lo Larzac jusqu’en 2001- au-dessus de Millau, tente expérience.
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Avec huit autres éleveurs, il a dit adieu à Société pour vendre lui-même son lait de brebis bio. «En 1998, on s’était mis à faire du bio à la demande de Société qui n’a pas suivi. On les a alors quittés pour intégrer le GIE Biolait. Finalement, comme cela marchait, nous avons créé notre propre GIE, le GIE Bio Pays de Roquefort. Cela nous permet de commercialiser directement. »
Car, selon l’éleveur, le marché est demandeur de lait de brebis. «On arrive à l’écouler à 1,36 € (9 francs) le litre en moyenne contre 0,82€ ( 5,40F) pour le prix du litre payé au producteur dans le système de roquefort. » L’avantage du litre de lait de brebis est de contenir deux fois plus de matières grasse que le lait de vache. Et sa rareté explique qu’on peut le voir vendu parfois jusqu’à 3,60 € le litre sur les marchés. Plus cher que certaines AOC du Languedoc…

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Surtout, cette création du GIE suppose pour un éleveur du Larzac baigné dans la contestation et la remise en cause de certains principes de l’économie de marché, une petite révolution culturelle. Car il ne s’agit plus simplement de produire, mais de trouver des clients -des transformateurs- et les livrer. Bref, le paysan doit se faire commercial, gestionnaire chauffeur… Il faut aimer les petites nuits, gamberger aux débouchés et avoir des tripes. En attendant, le GIE a déjà investi dans trois camions citerne pour les livraisons «Après une journée de travail à la ferme, je prends le volant et je file à Bordeaux pour livrer des clients.Cela ne me dérange pas j’adore le rapport au client. » explique Richard.

Et en cet été 2005, le principal problème du GIE, n’est finalement pas de trouver des clients, mais plutôt de les satisfaire, car la production de lait de brebis est, par définition, limitée. «Même si l’on atteint le million de litres produit en 2006, nous ne parviendrons pas à satisfaire la demande. Mon objectif c’est d’attirer d’autres producteurs.» confie Richard Maillé. Avis aux amateurs. En tout cas, le Gie devrait, selon Richard Maillé, embaucher un chauffeur et un secrétaire. Comme quoi le développement économique. Et si un jour, il devenait riche, lui le fils de Léon Maillé* (voir ci-contre), pionnier du Larzac contestataire ? N’y aura-il pas alors quelques clivages idéologiques avec ses amis ou sa famille. «Sur ce plan-là, je ne crains rien, je n’ai pas en tête de devenir riche. » explique-t-il oubliant sans doute le dicton, Fontaine je ne boirais pas de ton eau…
Une démarche qui suscite aussi des critiques

Sur place, certains critiquent la démarche du GIE Bio Pays de Roquefort. Pour eux c’est un abandon de la filière Roquefort qui fait vivre tous les éleveurs et compense les prix du marché et les excédents. Ce à quoi Richard répond qu’au contraire, il essaye de trouver d’autres pistes pour la filière. «La seule chose qui soit sûre avec Lactalis, c’est que le prix payé au producteur baisse chaque année. » répond Richard Maillé.

larzac_manifLe Bio dans la peau
Et quand on évoque le coût du transport et l’envolée du prix du diesel en cet été 2005, Richard Maillé, toujours en avance d’un train, répond par récolte de tournesols bio. D’après lui, c’est le meilleur moyen pour remplacer le diesel et payer moins cher le carburant puisque l’huile de tournesol permettrait, selon lui, de faire descendre le coût de son litre de carburant à 0,61 € .

Les Maillé, père et fils
Le père de Richard Maillé, Léon, a été de toutes les luttes du Larzac. Il a d’ailleurs été l’un des principaux directeurs de publication de « Gardarem Lo Larzac“, l’organe de lutte des paysans du plateau. Ses amis se sont encore illustrés de façon spectaculaire début juillet 2005 avec une occupation du viaduc par des brebis. Ce qui n’a fait pas rire Eiffage…