Agriculture

Des distributeurs pour faire le plein de lait cru

Pour une fois que la technologie permet de renouer avec les souvenirs de l’enfance…Depuis juillet, Yves Burguière, éleveur de Montbéliardes à Bozouls, exploite deux distributeurs automatiques de lait cru Direct-Lait : un à Bozouls, l’autre sur le parking Super U d’Espalion. L’éleveur les alimente chaque matin. Prix pour le consommateur : 1€ le litre, plus 20 centimes si l’on n’a pas de bouteille. Ses deux distributeurs ont débité jusqu’à 150 litres par jour. Mais avec septembre et le départ des touristes d’Espalion, la consommation a chuté de moitié. «Je vais me donner du temps. Tout le monde vante les mérites de l’approvisionnement direct auprès des producteurs mais dans les faits, y compris chez les agriculteurs aveyronnais, beaucoup continuent à acheter leurs briques de lait dans les linéaires. Les habitudes ne se changent pas comme ça…» reconnaît l’éleveur bozoulais (ci-dessus).

 

Un autre distributeur de lait cru est installé sur la rocade de Rodez depuis plus d’un an. Il est géré par le Lycée agricole La Roque. Lui aussi débite chaque jour entre 50 et 100 litres. «La consommation est stable, elle n’a pas chuté alors même qu’un autre distributeur vient d’être installé sur le parking du centre Leclerc de Rodez.» explique Bernard Garnier, proviseur du lycée.
Le lycée La Roque a été précurseur dans l’expérience du distributeur de lait cru en Aveyron. Car le système marche très fort dans d’autres pays d’Europe, par exemple en Italie où 1400 machines seraient en service. Outre qu’il peut améliorer les finances des producteurs laitiers dont on connait la situation, ce système délivrant un lait crémeux au goût inimitable peut également favoriser l’éveil du goût chez les jeunes enfants. Bref, enfoncer un coin dans l’uniformité gustative et saturée de sucre déclinée par l’industrie agroalimentaire. Hélas, en juin 2009, le lancement du distributeur ruthénois en grande pompe avec les Jeunes Agriculteurs et l’association Slow Food avait été néanmoins reporté sine die du fait de l’absence d’homologation par l’administration française. Depuis, la machine -comme quelques dizaines d’autres en France- est autorisée sous le régime de la dérogation, elle devrait être mise aux normes cet automne.

Le seul fait d’imaginer en effet qu’un éleveur puisse « trafiquer » sa machine pour ne pas déclarer quelques litres de lait chaque année donnait des cheveux blancs aux fonctionnaires de la DREAL, (ex-DRIRE, direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement) en charge de l’homologation de l’étalonnage de la machine. Ils ont donc imposé un système de flux-mètre -le même dispositif que les pompes à essence-, ce qui a renchéri le coût. Dans le cas de Direct-Lait, le surcoût est de 5000€ et fait monter le prix total à 45 000 €. Qu’importe pour l’administration si cela plombe la rentabilité des machines et ne fasse au passage une fois de plus le jeu des géants de l’agroalimentaire -qui ne voient pas forcément d’un bon œil cette concurrence de petits producteurs, l’administration française est coutumière du fait…
On aura beau jeu de comparer le tarif de 1€/par litre avec le prix de la tonne de lait négociée cet été avec les industriels sous la menace d’un boycott à près de 330 €. Le litre de lait cru du distributeur ne signifie pourtant pas que c’est trois fois plus dans la poche de l’éleveur que lorsqu’il vend son lait aux industriels. Outre le prix de la machine, il faut additionner les coûts liés à son « alimentation » quotidienne en lait frais, notamment les frais de transport. Sauf à ce que l’éleveur dispose d’un parc de 5 machines installées sur des aires de stationnement des grandes surfaces, ce système ne peut être qu’un appoint dans les revenus de l’agriculteur.

Direct-Lait, une société montée par un éleveur aveyronnais.

En France, il existerait cinq types de distributeurs de lait cru en service dont celui de Direct-Lait.
Ce dernier serait à ce jour le seul homologué, les autres étant sous le régime de la dérogation.

Direct-Lait a été créée par un éleveur de vaches frisonnes de Taussac. Yannick Solinhac a reçu le soutien du Groupe Casino qui lui a ouvert ses parkings. Reste à trouver des éleveurs. Yannick évoque 300 prospects sur toute la France. «Le système est rentable pour l’éleveur à partir de 70 litres débités quotidiennement» explique le directeur de Direct Lait qui espère placer 800 machines d’ici un an.