Un service gage de la civilisation
Si les Japonais, peuple délicat et formaliste, ont fait venir Raymond et d’autres pour les former, c’est bien parce que les Deux Magots, sont restés une dernière valeur sûre pour ce qui est du service, et du respect d’une tradition.
Un exemple : que l’on commande un whisky ou un verre de Bordeaux, le garçon apporte la bouteille sur le plateau vous le servir. Ce genre de service est aussi le gage que l’on sert au client ce qu’il a demandé. Ce qui n’est pas toujours le cas, lorsqu’on commande un verre de vin.
Le service stylé se répercute sur les prix des consommations. Le café à 3,81 € ou le kir à 6,10 €, ne sont pas à la portée de toutes les bourses.
«A ce prix-là, les clients sont très exigeants. »Inversement, d’autres prennent leurs jambes à leur cou lorsqu’ils reçoivent l’addition. Raymond doit alors les courser sur le parvis de l’église de Saint-Germain des Prés…
La familiarité n’est pas non plus de mise. «Ici on sert rarement la main aux clients» Raymond sait à qui il a à faire du premier coup d’œil.
Et puis il y a des règles non dites à respecter. «Si vous avez un client que vous avez vu avec une femme le matin, revenir le soir avec une autre, il vaut mieux lui épargner les formules type “rebonjour, ou comment ça va depuis ce matin ? “»
Il y a aussi de ces très bons moments. Comme cette histoire de couple de Russes venu à Paris fêter ses vingt ans de mariage et qui a bondi de joie en voyant Raymond et en lui apprenant qu’il les avait déjà servis vingt ans auparavant. Ou encore des scènes à la Lelouch comme celles de ce client, un soir de la Saint-Sylvestre, qui a un rendez-vous avec une femme à 19h. La femme se faisant attendre, le client commande et consomme jusqu’à minuit. Finalement dépité par ce lapin, il donnera à Raymond le manteau de fourrure qu’il avait apporté pour sa fiancée.
La fibre pays mise à mal par le déclin de l’amicalisme
Raymond a la fibre pays. Lors du marché de Bercy, il joue les porteurs d’eau. Il est vice-président de l’amicale de Mouret, Pruines, Villecomtal, et Muret le Château qui va bientôt fêter ses 100 ans. Il est bien obligé de constater le déclin de l’amicalisme dans l’époque actuelle.
«Quand j’étais jeune, à chaque banquet, nous étions 500 aux Salons Delbor -où j’ai rencontré mon épouse originaire de Sénergues.Aujourd’hui, comment voulez-vous faire un banquet à 120, cela suffit à peine à payer l’orchestre.
Et il n’y a plus personne qui monte du pays. Et c’est vrai que nos enfants n’ont pas grand-chose à faire des discours du président d’honneur. Le seul moyen de s’en sortir c’est de fusionner les amicales. »