Peu de statues incarnent à ce point un village et un pays. Depuis 70 ans, le Taureau de Guyot domine en maître la place du foirail de Laguiole. Il est autant le symbole de la race Aubrac que du village qui n’en est que le dépositaire puisque l’œuvre appartient aux Beaux Arts. Ses mensurations (3 mètres de long sur 1,80 mètre de haut) n’expliquent pas tout dans le culte dont il est l’objet. Toutes proportions gardées, il tient du taureau Apis des Egyptiens et du Minotaure des Grecs anciens.
La puissance d’évocation de cette statue tient aussi dans le sens du détail qui n’omet rien. Jusqu’à cette paire de « bijoux de famille » qui a fait se pâmer les pudibondes et a aussi inconsciemment nourri une foi en l’avenir chez les plus audacieux. A commencer par André Valadier et ses compagnons créateurs de la coopérative Jeune Montagne comme l’extinction programmée de la race Aubrac. Pour ses 70 ans – la statue fut dévoilée le 10 août 1947-, les Laguiolais ont préparé un sérieux programme de festivités.
Singulière histoire que celle de ce taureau. Il a été réalisé par l’artiste animalier Georges Guyot (1885-1973) à la suite d’une commande passée par un haut fonctionnaire des Arts et des Lettres. C’est à Pierre Goutal membre de l’amicale La Laguiolaise, en poste à la Direction Générale des Arts et Lettres, que l’on doit cette étincelle de chauvinisme artistique. L’idée lui avait été soufflée, dit-on, par le docteur Paul Cayla.
Descendu en Aubrac, Georges Guyot choisit comme modèle le premier prix du Concours Agricole de 1946, un taureau appartenant à Joseph Plagnard, éleveur à Auriac. Le sculpteur le croqua et modela à la glaise une ébauche avant de remonter à Paris pour finaliser un moule de plâtre finalement coulé dans le bronze par la fonderie Susse de Malakoff.
Ce taureau de Guyot, c’est aussi une illustration de la vivacité de l’Amicalisme. En l’occurrence, celle de la Laguiolaise, qui ne fut pas pour rien dans cette érection. C’est elle qui finança la conception du socle de basalte et la cérémonie d’inauguration. La Laguiolaise comptait parmi ses membres certains des patrons de brasseries les plus renommés de Paris comme Marcelin Cazes, patron de Lipp, jamais avare d’une initiative pour faire profiter son pays d’un surcroît de renommée. 70 ans plus tard, les membres de La Laguiolaise ne se sont pas ménagés pour financer les festivités notamment par l’édition d’un couteau (voir en rubrique Evénements) réalisé par la Forge pour commémorer l’événement. Reste donc à préparer le centenaire du taureau.