Artisanat - Industrie

Le couteau Laguiole, histoire d’une renaissance.

Avant l’arrivée du long et rigoureux hiver, les paysans de l’Aubrac empruntaient les chemins de Saint-Jacques de Compostelle afin d’atteindre l’Espagne et se « louer » comme scieurs de long . De retour au Pays, ils ramenèrent la Navaja, un couteau de poche espagnole pliant à cran d’arrêt. Or le couteau qu’utilisaient habituellement les paysans, était une lame fixe, rivée sur un morceau de hêtre plus ou moins travaillé baptisée Capuchadou.

capuchadouC’est la rencontre de ces deux cultures du couteau qui donna naissance au premier couteau Laguiole en 1829. Dès 1840 apparaît le poinçon, bien utile au berger pour percer la panse de l’herbivore frappé par la météorisation. En 1880, apparait le tire-bouchon -indispensable à tout Français. Entretemps le couteau Laguiole est devenu un outil obligé des Aubraciens « montés » à Paris pour faire bougnats ou limonadiers. Et il est bien probable, que dans le quartier historique des bougnats de la Bastille, certains bougnats l’aient sorti lors des bagarres homériques qui les opposaient aux Italiens les soirs de fêtes quand la cabrette tentait de couvrir l’accordéon.

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En 1900, la fabrication de Laguiole employait 30 personnes à Laguiole. Les couteliers rivalisaient d’audace dans les formes des manches. En 1909, la première abeille fait son apparition.
La Guerre de 14-18 eut raison de la fabrication en série des couteaux à Laguiole. Les anciens ouvriers couteliers qui avaient survécu avait pu aussi réaliser au contact d’autres poilus à quel point leur travail était mal rétribué.
En 1920, l’automatisation de la fabrication des couteaux sur le site industriel de Thiers, (Puy-de-Dôme) devenue au fil des ans la capitale de la coutellerie en France, voit le déclin de la production artisanale de Laguiole. Quelques artisans locaux tels Calmels ou Pagès, continuent une fabrication de prestige et maintiennent un service de réparation sur le village.
Il faudra attendre 1981 et la création de l’Association du Couteau de Laguiole (ACL) par les élus locaux afin de relancer, promouvoir et dynamiser une économie coutelière au village avec la création de la Forge de Laguiole.
Si pendant longtemps, le Laguiole a été un signe de ralliement presque sectaires réservés aux Aveyronnais de Paris, il est devenu très à la mode dans la capitale à la fin des années 80 dans les milieux in. Son « relookage » par le designer Starck, suivi par les interventions de Yann Pennor’s, Eric Raffy, Sonia Rykiel n’a pas peu compter dans cette opération.

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Must du must, le couteau de Stark tout en acier a été choisi avec 9 autres objets design représentatif de ce siècle et exposé à New York.

Marque et contrefaçons :
Il y a un paradoxe absolu du couteau de Laguiole. Malgré sa très forte notoriété et sa réussite économique qui a fait tourner la tête à la cité éponyme, « Laguiole », n’est pas une appellation d’origine qui se défend bien contre les contrefaçons. Les débats sur l’origine et la propriété du nom ne sont pas prêts de s’éteindre dans la mesure où la commune ne dispose pas d’un budget lui permettant de financer toutes les procédures en justice qui pourraient s’imposer. Combien de Laguiole fabriqués en Asie ou Espagne et offerts en cadeau par les Comités d’Entreprises ou les chaînes d’accessoires de bureau. Sur place même, pour ne pas perdre des marchés, certains sous-traitent à des pays à faibles coûts de main d’œuvre. Depuis deux décennies, cette affaire -devenue symbolique de la défense des savoir-faire français face à la mondialisation- est d’ailleurs à l’origine d’un élargissement des règles de protection des AOC et IGP.

Qu’est-ce qui pousse les touristes vers Laguiole par milliers ?

layolstatuC’est la ville de Laguiole, capitale de l’Aubrac, qui a donné à son nom au célèbre couteau galbé comme une gitane andalouse. En soi, la ville n’a rien de très notable. Ni sur le plan architectural ni sur le plan culturel. Il y a de bien plus jolis sites et villages en Aveyron.
Mais, il y a une chose que les autres n’ont pas.
C’est la Mecque de ce couteau au style unique manche légèrement recourbé et lame allongée. On y trouve de nombreux ateliers de coutellerie. Encore qu’il faille distinguer entre ceux qui fabriquent et ceux qui assemblent…Et c’est un euphémisme de dire que les couteliers laguiolais vivent à couteaux tirés. Même les rages d’antan se sont apaisées.

En 1985, apparaît le premier atelier de montage sous l’enseigne « Le couteau de Laguiole» reconnaissable au taureau sur la lame. En 1987, c’est au tour de la Forge de Laguiole de s’installer. Depuis, Laguiole n’a cessé de s’enrichir de nombreux ateliers de montage dont certains se visitent toute l’année. Et Laguiole a aussi son musée de la coutellerie.