Artisanat - Industrie

A quand le “Grenelle Aveyronnais” ?

La crise n’épargne pas l’Aveyron. Depuis le dernier trimestre 2008, le tribunal de commerce de Rodez a multiplié les décisions de redressement judiciaire ou de liquidation. Au-delà de la sinistre conjoncture et du spectre toujours évoqué du déclin irrémédiable d’un Aveyron enclavé et vieilli, on sent pousser chez les quadras une soif de renouvellement des générations. Avec en filigrane, la nécessité d’un vrai débat, loin des querelles politiciennes.

Un débat qui permette d’ébaucher quelques pistes pour l’Aveyron de 2020. A quoi pourrait-il ressembler ? Et à quoi veut-on qu’il ressemble ? Reste à savoir si les élus sont prêts à organiser un « Grenelle Aveyronnais » digne de ce nom.
La crise n’épargne pas l’Aveyron. Depuis le dernier trimestre 2008, le tribunal de commerce de Rodez multiplie les décisions de redressement judiciaire ou de liquidation. « Et pourtant, nous sommes moins impactés en nombre d’entreprises signalées que d’autres départements de Midi-Pyrénées» tempère Arnaud Viala, président d’Aveyron Expansion et élu du canton de Vezins-de-Lévezou.
Il n’empêche, le nord du pays apparaît très touché. La probable fin des cuisines Combettes à Entraygues pourrait voir disparaître une soixantaine d’emplois dans un canton qui n’avait pas besoin de cela. Comment une entreprise au savoir-faire reconnu dans la cuisine haut de gamme, qui employait près de 150 personnes voilà encore quelques années, a-t-elle pu couler aussi vite ? La crise a bon dos. Il vaut mieux voir dans ce naufrage, l’effet conjugué d’un management familial qui a fait des choix stratégiques malheureux et d’un dernier repreneur incompétent. Combettes n’est pas le seul en fâcheuse posture. Espalux, Belloubet, Cayron, ITA… autant d’entreprises autrefois réputées qui rencontrent de sérieuses difficultés.
En économie, rien n’est jamais acquis et les entreprises sont des êtres qui vivent et meurent. Quand le meuble aveyronnais tirait son épingle du jeu voilà une quinzaine d’années c’était le gant de Millau qui était rudement attaqué par la concurrence asiatique. Basculement complet aujourd’hui où le sud millavois continue de surfer sur l’effet Viaduc. On y voit même des renaissances encore inimaginables il y a quelques années, comme la construction de la manufacture des gants Causse à Millau… Encore que même le luxe ne soit pas épargné.

Haro sur le carbone !
Il y a aussi l’emploi industriel en Aveyron tel que celui de la “Mecanic Vallée” qui s’étend de Rodez à Figeac. Les fournisseurs aéronautiques qui travaillent pour Airbus après avoir été mis sous pression par les déboires d’EADS sont plus sereins que les entreprises œuvrant pour l’automobile. Leurs carnets de commandes permettent de voir plus loin. Tandis que les sites de Bosch à Rodez ou de la SAM de Decazaville, directement dépendant des constructeurs, sont obligés de passer par le chômage technique. Et chacun de s’inquiéter pour l’avenir. Simple passage à vide ou tendance lourde marquant un changement d’ère, celle du pétrole.
La prise de conscience du réchauffement climatique ne risque-t-elle pas de faire passer à la trappe bien des modèles qui ne répondent plus aux attentes du marché. De même, la “consommation kleenex”, conjuguant gaspillage et obsolescence toujours plus rapide des produits, appartiendra-t-elle au passé ?

Malheureusement côté énergies renouvelables, on attend désespérément le producteur aveyronnais qui créera des maisons de bois durables et bon marché autosuffisantes sur le plan énergétique. Car le secteur ne crée pas beaucoup d’emplois jusqu’à présent. Certes, il y a bien une centaine d’emplois sur les barrages de la Truyère et du Lèvezou mais côté éolien, aucun entrepreneur aveyronnais n’est positionné. C’est l’industrie allemande qui installe mâts éoliens ou panneaux solaires et qui encaisse sans créer d’emplois. En revanche, elle laisse des discordes profondes entre les habitants comme dans le cas du parc éolien du Lévezou qui pour ses opposants insulte la beauté des paysages du Lévezou et compromet ses chances sur le plan touristique.

Heureusement, il reste l’agroalimentaire et l’agriculture même si les cours yoyo des matières premières – à commencer par le lait- n’ont pas manqué de fragiliser bien des professions agricoles à commencer par les producteurs laitiers. Heureusement que les produits sous signes de qualité type laguiole AOC ou Roquefort permettent de maintenir pour l’avenir de véritables filières créatrices d’activité. Il n’empêche, la future PAC invite la profession agricole dans son ensemble à se remettre en cause. Car il n’est pas normal que les primes ne favorisent que des situations acquises et empêchent toute installation de jeunes.

Où sont les jeunes ? Comment conjurer le spectre du déclin et du vieillissement ?

A entendre, Arnaud Viala président du Comité d’Expansion Economique, les pistes d’espoir pour un développement économique en Aveyron résident dans les hommes et notamment dans un meilleur encadrement des chefs d’entreprises d’Aveyron.
bois_travail«La plupart des chefs d’entreprises aveyronnais se retrouvent obligés de tout faire, il n’y a pas eu d’embauches de cadres pour les épauler. » Pas d’encadrement et donc pas de perspectives de carrière au pays et donc l’obligation pour les jeunes Aveyronnais d’aller chercher du travail ailleurs. Une situation qui n’est pas nouvelle. En tant que directeur du Centre universitaire de formation et de recherche de Rodez, Arnaud Viala sait de quoi il parle. «On n’arrive pas à créer une formation. Paradoxalement, la crise actuelle pourrait nous aider car avec la dégradation des conditions de vie dans les grandes villes, on pourrait espérer des installations en Aveyron.»
Pour Arnaud Viala, le renforcement de l’encadrement dans les entreprises aveyronnaises n’est qu’une facette d’un problème plus large : celui d’un renouvellement des générations. «Il faut un regard neuf sur l’Aveyron, celui d’une génération nouvelle tournée vers 2020. Face aux forces d’inertie, il faut qu’on se secoue.»
Certains chefs d’entreprises sont plus directs. « On s’est longtemps glorifié en Aveyron d’un taux de chômage très bas (4,7% fin 2007- NDLR). En fait, cela veut dire que personne ne cherche du travail. Recruter un BTS en commande numérique sur l’Aubrac, c’est impossible. On fait fausse route avec l’image de l’Aveyron traditionnel et rustique centré sur l’aligot et le terroir. L’Aveyron est en train de perdre du terrain. En Aveyron, il y a un problème de génération aux commandes. Il faudrait faire un Grenelle de l’économie Aveyron.» explique un chef d’entreprise de l’Aubrac. L’Insee ne dit pas autre chose qui voit la population aveyronnaise se réduire d’ici 2030 en passant de 271 000 habitants en 2005 à 265 000 en 2030. Dur, dur…

Indigestes boulettes d’hier

En ces temps de disette, les “boulettes“ du passé se digèrent d’autant plus mal… Les fonds publics investis en vain dans des réalisations somptuaires types Noria l’Espace de l’Eau ou Micropolis auraient été mieux employés à câbler en fibres optiques tous les foyers et entreprises d’Aveyron et à donner au territoire plus d’attractivité. Au lieu de quoi on assiste à l’amère comédie du Wimax qui non seulement ne répond pas aux promesses mais coûte encore plus cher aux Aveyronnais. On ne parlera pas de la mise deux fois deux voies de la RN 88. Cruelle, l’histoire ne repasse pas les plats