Environnement Nature

L’avis de RAGT, semencier aveyronnais

Interview de Daniel Segonds président du directoire de RAGT

Il semble qu’en Aveyron la biodiversité recule sur tous les fronts à commencer par les prairies naturelles ?
Il y a trente ans, il y a eu une révolution culturale, illustrée par le slogan « l’Herbe ça se cultive». C’est ce qu’ont fait les paysans avec l’objectif de mieux nourrir les animaux, d’où une sélection des fourrages. Forcément, il y a donc moins de prairies naturelles. Mais l’important, c’est qu’il en reste. En Aveyron, on a perdu 100 000 ha de prairies naturelles alors que dans le même temps, la surface totale en prairie cultivée est passée de 100 000 à 200 000 hectares.
Il faut bien être conscient d’une chose, l’agriculture telle qu’on la pratiquait il y a trente ans ne permettrait pas à un agriculteur de s’en sortir aujourd’hui. Mais il faut aussi avoir des démarches naturelles. Ainsi l’obligation de jachère qui peut être de la jachère fleurie ou de la jachère apicole permet d’augmenter la biodiversité.
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RAGT développe-t-il une filière plus protectrice de la biodiversité ?
Même si j’y suis attaché, nous n’avons pas pour mission de préserver la biodiversité. Notre métier est de créer des variétés de plantes cultivées. Il y a en fait deux types de biodiversité, celle des espèces naturelles et celles des espèces cultivées. Ces dernières ont tendance à diminuer. Le risque est qu’il y ait des espèces cultivées majeures et d’autres “orphelines”, telles que le sorgho ou le soja ou encore la luzerne. Plantes pour lesquelles on a interdit l’emploi d’un pesticide efficace, détournant d’elles les agriculteurs.
De fait, nous tâchons de conserver la diversité des plantes cultivées. J’ai des variétés de blé datant des années cinquante. Il existe d’ailleurs en France un Bureau des Ressources Génétiques.

Et le Bio ?
Le bio n’a rien à voir avec la biodiversité. Par exemple dans le blé, l’objectif des céréaliers bio reste d’abord de produire du blé et donc de chercher les variétés adaptées et productives. A mes yeux, les premières variétés OGM répondaient à l’agriculture bio en permettant de mettre au point des variétés résistant aux insectes par exemple sans recours aux pesticides.

Peut-on nourrir la planète sans dégrader irrémédiablement l’environnement et la biodiversité ?
Il y a un appel très fort pour que le monde produise davantage. On ne pourra pas y parvenir en pratiquant une agriculture à l’ancienne. Cela ne signifie pas qu’on ne va pas respecter l’environnement. A RAGT, nous consacrons 12% de notre chiffre d’affaires dans la recherche pour mettre au point des plantes utilisant moins d’intrants. A quantité d’eau égale, un maïs d’aujourd’hui, permet de produire 30 quintaux de plus que le maïs utilisé il y a trente ans.

Avec la filière des biocarburants un vaste marché se profile pour les industriels de votre secteur, cette filière ne risque-t-elle pas d’être à l’origine d’un déséquilibre majeur à partir du moment où l’agriculture ne servira plus à nourrir mais à produire de l’énergie ?
L’Europe s’est fixé un objectif de 5 à 10% des surfaces consacrées aux biocarburants d’ici 2020. Leur principal intérêt n’est pas énergétique ou économique mais plutôt environnemental.

Les déséquilibres actuels des cours mondiaux des céréales ne sont pas dus aux biocarburants mais au fait que depuis cinq ans, le monde mange plus que ce qu’il ne produit. Ma crainte est que des pays comme le Brésil produisent des biocarburants au détriment d ‘une biodiversité essentielle pour la planète, celle de la forêt amazonienne.

 

Groupe RAGT (Rouergue Auvergne Gévaudan Tarnais)
Le groupe emploie: 1102 employés
Son chiffres d’affaires est de 235 Millions d’Euros dont la moitié provient de l’activité semences. Chaque année, il investit 12 % du CA dans la recherche. La pelouse du stade de France, c’est RAGT.