Histoire et culture

François Fabié, poète de la Guerre de 14

François Fabié, le « chantre du Rouergue »,   a consacré à la Guerre de 14 un recueil de poèmes dont certains évoquent mieux que personne la plaie à jamais ouverte qu’elle fut pour l’Aveyron qui vit disparaître 15 000 de ses enfants. Le journaliste aveyronnais Olivier Masbou a d’ailleurs justement mis en exergue deux poèmes de Fabié qui, en cette veille du centenaire du 11 novembre, iront droit au cœur de ceux qui n’ont pas oublié le sacrifice de leurs ancêtres.

 

«Il labourait pour la Revanche.»

Pause d’un paysan de Roquelaure à l’ombre. ©Docteur Gondal

Le laboureur soldat
Un soir qu’il chantait à ses bœufs, un vieil air sans parole
Qu’ils comprennent fort bien et qui rythme leurs pas.
Au petit clocher bleu soudain les cloches folles
S’agitèrent dans un furieux branle-bas…
Surpris, il s’arrête : Est-ce un glas ?
Non. Des gens courent : « La guerre !…On mobilise ! »
Au bout du sillon brun, le laboureur lâche le manche,
Dételle : « Adieu, mes bœufs ! » Il part et le trois août
Il labourait pour la Revanche.
(.)
Il porta le fusil et le sac vaillamment,
Se battit à Namur, fut blessé, guérit vite,
Fut blessé à nouveau….Puis, comme nul n’évite
Sa destinée, alla périr obscurément
Sur un sol ingrat sans verdure et sans eaux,
Où tant de pauvres enfants, des meilleurs, des plus beaux,
Tombèrent comme lui dans de vains assauts…

François Fabié, Fleurs de genêts (Extraits)

 


 

«Au début on lui prend soudain ses trois garçons
(Et deux sont morts déjà), son valet de charrue
Et son berger»

Cortège de veuves dans les années trente à Sainte-Geneviève. Photo du docteur Gondal ©

Paysanne de guerre

Héroïque, elle aussi, de coeur haut, de bras ferme,
La veuve paysanne à qui, depuis vingt mois,
Incombent les labours, les marchés, les charrois
Et le gouvernement tout entier de la ferme.
Au début on lui prend soudain ses trois garçons
(Et deux sont morts déjà), son valet de charrue
Et son berger
(.)
Debout, fermière ! et lutte ainsi jusqu’à la fin,
Contre le deuil, l’absence, et la terre et la faim,
Dans un combat dont nul ne peut prévoir le terme ;
(.)
Aussi, quand nous aurons chassé l’envahisseur
Et que nous fêterons la sainte délivrance,
Je voudrais qu’on te mît, toi, mère, ou veuve, ou soeur,
Au milieu des héros, à la place d’honneur,

Gardienne du sol, Paysanne de France !

François Fabié, Fleurs de genêts (Extraits)

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