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Maurice Raynal, l’ami de Picasso

Interview de David Raynal donnée le 14 janvier 2008

Si votre grand-père n’avait pas hérité si jeune, mais dix ans plus tard, aurait-il connu le même destin ?
Certainement pas. Son père, originaire de Capdenac, s’était marié à une femme de Beaugency. Ils avaient gagné à la Loterie et avaient pu s’acheter un hôtel près de la Gare de Lyon. Mon arrière-grand-père n’avait pas envie que son fils devienne restaurateur mais notaire. Hélas, pour lui, mon grand-père a raté ses études de droit. Par contre, il a obtenu une licence de lettres au moment même où son père décédait. Mon grand-père a donc hérité d’une somme d’au moins 100 000 francs or après que sa mère ait vendu l’hôtel. Mon grand-père était intéressé par l’art et la littérature Il avait envie d’écrire. Il a filé à Montmartre, là où se concentrait l’avant-garde.

C’est là qu’il a rencontré la bande du Bateau-Lavoir* ?
Il s’est vite fait des amis avec des artistes de la Butte comme Utrillo, Modigliani… Max Jacob qui le présente à Picasso. Maurice Raynal décide d’aller vivre à Montmartre pour aider ses amis du Bateau-Lavoir. D’abord par l’écriture, en publiant des articles dans des journaux tels que le « Charivari », « l’Intransigeant », « La Gazette des Arts » ou les « Soirées de Paris » de Guillaume Apollinaire. Avec son pécule, il finance les premières expositions et participe notamment à la revue Vers et Prose de Paul Fort et d’André Salmon. Revue qui organisait également les mardis Vers et Prose.

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Première conférence contradictoire sur le cubisme de l’histoire à Rouen sur le cubisme (1912)

De quoi s’agissait-il ?
C’était une sorte de salon littéraire qui se tenait à la Closerie des Lilas où le tout Paris culturel venait découvrir les nouveaux talents. C’est dans ce cadre que mon grand-père a financé plusieurs expositions d’artistes dont celles de Picasso. J’ai publié une lettre dans le livre où Picasso lui demande 500 francs pour changer d’atelier et déménager du Bateau-Lavoir à la place de Clichy. Il s’est donc vite retrouvé dans la dèche…
Oui, en deux ans, il a tout dilapidé, mais il a surtout eu la chance de se trouver au bon endroit au bon moment. Même s’il a tenu un temps en partie Paul Fort et André Salmon pour responsables de sa ruine, c’était une victime consentante…

*Le Bateau-Lavoir était le nom donné par Max Jacob à la maison de Montmartre qui abritait les ateliers d’artistes à commencer par celui de Picasso.