Portraits

Adisiatz l’abbé Roucayrol !

Aveyron.com a perdu un ami en septembre 2003. Il était né à Combret en 1914. Un petit abbé lettré et humaniste de Saint-Affrique dont les conseils et les encouragements nous ont toujours été précieux. L’abbé Roucayrol a légué à des générations entières d’élèves Saint-Affricain du collège de Saint-Gabriel le goût du savoir, de la langue, et de l’homme.

Toujours suivi de sa petite chienne Cora, sa frêle silhouette était reconnaissable parmi toutes sur le marché ou dans les rues de sa bonne ville de Saint-Affrique. Son grand crâne rouergat abritait une pure intelligence au service de l’homme.
Gabriel Roucayrol, abbé de son état, était, à lui, seul un élément du patrimoine culturel français. Une encyclopédie vivante occitane et humaniste. Sa voix, légèrement rocailleuse savait se faire chaleureuse et chantante. Son exigence intellectuelle toujours intacte rendait à la langue française un art de la conversation et du savoir renvoyant au Grand Siècle de Louis XIV.

De fait, ses livres chéris et ses auteurs préférés, étaient les grands auteurs antiques, Sophocle, Euripide, Eschyle. En revanche, des auteurs romantiques comme Stendhal ne méritaient à ses yeux que
l’anathème. Difficile d’avaler la tentative de meurtre de Mme de Rênal dans une église par son ancien amant, Julien Sorel.. Racine et Corneille étaient aussi ses amis et ses valeurs étaient le bon, le vrai et le beau.
L’abbé Roucayrol en a formé des générations d’élèves du collège Saint-Gabriel au latin. Cet occitaniste apprenait que la langue est sensorielle, que le langage est charnel.

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L’abbé n’était pas du genre catho intégriste prêchi-prêcha. Il se rattachait à la tradition de l’évangile, de l’humanisme chrétien. Homme de racines, l’abbé Roucayrol aimait son pays d’Aveyron, et bien sûr son village de Combret à la folie. Il y organisait spontanément des visites pour des touristes béats de tomber sur un tel puits de science. Il aimait y tailler sa vigne, venir récolter sur son bout de jardin le long du Rance les dons de sa terre.
Fin gourmet, l’abbé Roucayrol savait mitonner les plats du terroir Aveyronnais et aimait déguster les bons petits vins. Partager un repas avec lui, à écouter cette langue exigeante et cultivée avec ses parenthèses intelligentes apparaît aujourd’hui comme un privilège à l’heure du brouhaha, en cette époque où jamais les moyens de communication –portables et internet- n’ont été si nombreux et le message si pauvre en sens.
Adisiatz l’abbé, vous allez bien nous manquer.

LB