Il passe ses jours à écouter, à sonder les esprits humains les plus inaccessibles, à diagnostiquer leurs maux, à mettre au point des médicaments qui redonnent sinon le goût de vivre du moins une porte de sortie à l’enfermement mental.
Itinéraire et interview de Jean-Pierre Olié, un Saint-Comois devenu l’un des plus grands professeurs de psychiatrie, spécialiste de la schizophrénie. Entre les colloques, les recherches, les patients, l’homme qui n’oublie jamais ses racines, vient dès qu’il le peut se ressourcer en Aveyron.
Sa voix douce au timbre clair et sa courtoisie naturelle laissent percer un esprit indépendant. Jean-Pierre Olié, fils d’épiciers de Saint-Côme d’Olt, ponte de la psychiatrie à Sainte-Anne, a ses coups de colère. La tribune qu’il a publiée dans le Monde le 11 janvier 2005 pour dénoncer l’état de la psychiatrie en France après le meurtre des infirmières paloises par un schizophrène, en est un bel exemple. Plus qu’un autre, il est conscient de la méconnaissance de l’opinion publique en matière de psychiatrie. Il sait qu’elle est liée à une absence de communication des psychiatres sur leur métier et les réels progrès effectués en cette matière.
Alors que 30% de la population a été ou sera touchée par une maladie psychiatrique, il lui est difficile d’accepter l’idée que nos concitoyens amalgament la psychiatrie avec la psychologie ou la psychanalyse. Ou qu’au pire, ils la considèrent comme l’alchimie au Moyen-Age, par exemple lorsqu’on évoque les médicaments psychotropes. «Je ne suis pas sûr qu’il y ait beaucoup de disciplines qui aient fait autant de progrès en trente ans que la psychiatrie. Nous avons appris à savoir reconnaître et à soigner une dépression dans 80% des cas. Quant aux schizophrénies une grande majorité des patients retrouvent une “capacité de vie“ et un tiers une autonomie totale qui leur permet par exemple de se marier.»
Petit Saint-Cômois programmé pour devenir médecin sur les bords de l’Olt
Sur les bords du Lot, entre Entraygues et Espalion, Jean-Pierre Olié aurait été un très bon médecin de campagne, attentif et à l’écoute de ses patients. C’est ce qu’il souhaitait être au départ ; pour combler sa maman. Né à Aubin en 1945, c’est à Saint-Côme (ci-dessus le célèbre clocher flammé du village) qu’il a passé son enfance où ses parents tenaient une épicerie générale. Pensionnaire au collège de Rodez, il avoue avoir souffert de la discipline jusqu’à la 3ème puis avoir pris plaisir à contourner ses règles et à franchement “déconner“ au point de rater son bac. Depuis, il s’est bien rattrapé. Etudiant en fac de médecine à Montpellier, il découvre la psychiatrie lors de l’externat à l’hôpital, discipline qui déjà le passionne. Médecin, il commence à exercer en Aveyron pour des remplacements mais son épouse, Aveyronnaise de Paris, le persuade de monter à la Capitale.
L’occasion fait le larron, il s’inscrit à l’internat en psychiatrie à Sainte-Anne. Retour du rebelle, qui, dans la mouvance de l’après-68, trouve avec la psychanalyse et les thèses en vogue de Jacques Lacan, l’occasion de remettre en cause les visions de l’ancien monde. Il en est revenu depuis. «Parti de la psychanalyse, j’ai parcouru le chemin inverse pour finir par me spécialiser dans la mise au point des médicaments psychotropes» précise Jean-Pierre Olié, devenu depuis l’un des grands patrons de Sainte-Anne. Malgré son job accaparant, il parvient à rallier son pays et sa maison de Marmot (surnom donné aux habitants de Saint-Geniez d’Olt) au moins une fois par mois et périodiquement, il revoit ses copains de collège sur l’Aubrac.