Hors de Thérondels , point de salut ! Ne cherchez pas du Cantal de Thérondels à Paris. Il est introuvable. 80% de la production de « Thérondels » (200 tonnes environ) emprunte le circuit opaque des gros affineurs de Cantal. A l’arrivée sur l’étal des fromagers, on ne trouve plus de trace de l’origine de Thérondels. «Et pourtant on est bien obligé de faire appel aux affineurs, explique Antoine Verdier, le président de la coopérative, ils nous payent en deux mois alors que lorsque nous affinons nous-mêmes, il faut compter au moins cinq mois durant lesquels nous ne rentrons pas de recettes. Nous n’avons pas les reins assez solides. Sans parler des investissements qu’il nous faudrait consentir pour avoir une cave assez vaste permettant d’affiner la totalité de notre production ».
Une AOC Cantal qui fait débat
La consommation moyenne de Cantal en France est d’environ 17 000 tonnes. Mais c’est un marché très nettement dominé par des grands acteurs tels que Lactalis (Roquefort Société) ou la coopérative géante 3A. Ils ne se privent pas d’augmenter les volumes en mettant en vente des cantals jeunes de 30 jours.
Le problème tient au cahier des charges peu exigeant de l’AOC Cantal : est qualifié de cantal, le fromage au lait de vache au bon format produit dans l’aire d’appellation avec un taux d’humidité et de matière grasse requis.
Peu importe qu’il soit jeune ou vieux, produit à partir de lait de vaches Simmental, Aubrac ou Holstein, ou qu’il soit fait à partir de lait cru ou de lait pasteurisé. C’est toujours du Cantal.
Défoncez-vous alors à produire une merveille parfumée, cela ne changera rien, vous serez sur le même niveau de prix et de reconnaissance qu’une fadeur pasteurisée…
Certains producteurs comme ceux de Thérondels ont bien essayé de durcir le cahier des charges pour valoriser leur cantal. Mais voilà, la majorité des producteurs renâclent devant les contraintes d’ensilage. En effet, pour diminuer les risques de listériose, il faudrait nourrir les vaches au foin comme le faisaient les anciens. Chaque été, cela suppose de scruter la météo et de bondir pour la fauche lorsque trois jours de beau temps se préparent. C’est le temps nécessaire pour sécher le foin.
Or,avec les balles de plastique blanches, il est plus facile aux producteurs de pratiquer le stockage humide même si cela augmente les risques de fermentation et donc de listeria. Aucune importance si l’on recourt, comme les industriels, à la pasteurisation qui nettoie tout. Les germes et le goût…
Comment alors un Cantal de Thérondels avec son lait cru et ses vingt coopérateurs peut-il rivaliser en termes de prix avec des géants. «C’est simple, pour la campagne 2001, au final, le prix de notre litre qui nous a servi pour le Cantal nous rapporte moins que ceux qui vendent leur lait pour l’UHT ou le lait en poudre. C’est d’autant plus rageant lorsque l’on voit que d’autres fromages AOC comme le Comté ou le Reblochon, dotés de cahiers des charges plus rigoureux, parviennent à se valoriser à 3,50 F le litre contre 2,20 F pour nous. » explique Antoine Verdier(ci-contre).
«C’est d’autant plus démoralisant que nos contraintes de départ sont bien plus importantes. »
Quel avenir pour le Thérondels ?
Pourquoi ne pas lâcher le Cantal et créer et commercialiser un fromage sous le nom de Thérondels ? Le problème n’est pas simplement financier, il est plutôt culturel. La moyenne d’âge des producteurs frôle les cinquante ans. Pas forcément l’âge où l’on se lance dans une aventure comme celle-ci.
Et les jeunes ? Que ce soit le fils d’Antoine Verdier ou de nombre de ses homologues, faire un fromage au lait cru avec ses contraintes de traite ne les tente. «Ca me fait mal au cœur de voir que l’exploitation familiale ne sera pas reprise par le fils. » explique Antoine qui n’a pas ménagé sa peine. En avril, dans son étables, deux de ses vaches l’ont piétiné et lui ont, entre autres choses, brisé la colonne vertébrale. Une activité comme la sienne est, à entendre Antoine, beaucoup moins attrayante que à la vache allaitante moins fatigante et qui génère des primes qui peuvent représenter jusqu’à 60 % du revenu. «Dans ces conditions le Thérondels ne peut que dépérir. »…