Nature

Vautours : la proie ou la charogne ?

Dans notre triste monde, les vautours ne manquent pas … C’est aussi le cas en Aveyron sauf que ceux-ci sont réels …  Réintroduits en 1980 dans les causses près d’un siècle après leur disparition, les vautours (de type  fauves, moines et gypaètes) y ont prospéré passant de 200 couples en 2010 à 900 aujourd’hui. Avec les paysages et le canoë, ils constituent un des attraits majeurs des Gorges du Tarn. 

Las. Car pour certains, cette réintroduction n’a que trop bien réussi … Des animaux d’élevages tels que juments, vaches et veaux éviscérés ces dernières années par les rapaces ont enflammé les passions. Au point que comme pour le loup, le vautour est devenu un sujet hautement sensible en Aveyron et en Lozère. A part la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO), les avocats des charognards ne se bousculent pas au prétoire.

 

Et pourtant, au tout début, l’arrivée de ces « éboueurs naturels » avait été vue d’un bon œil par les éleveurs de brebis des causses qui trouvaient là un moyen naturel d’économiser sur les frais d’équarrissage. Une centaine de placettes d’équarrissage ont d’ailleurs été installées permettant de faire « nettoyer» en moyenne 1,2 tonne/an de cadavres par placette. C’est principalement pendant la période hivernale, notamment durant les mois d’agnelage, qu’ont lieu ces dépôts. En été, les animaux sont conduits à chercher davantage ailleurs.

Est-ce leur nombre croissant qui les a poussés à élargir leur territoire de  prospection ? Grâce aux courants d’air chaud (les thermiques) les vautours n’ont pas de mal à rayonner jusqu’à 100 km autour de leurs nids dans les parois des causses. Ils survolent le Lévezou et surtout l’Aubrac avec ses troupeaux en estive, des animaux en liberté sans surveillance humaine.  

Pour la LPO, le vautour demeure un charognard et non un prédateur. N’empêche, la nuance est subtile. Car le vautour peut s’attaquer à des animaux vivants. «Mais dans tous les cas, les animaux attaqués sont dans un état de vulnérabilité important à l’exemple du veau couché à l’issue d’un vêlage difficile.» explique Léa Giraud de la LPO des Grands Causses.

Deux vautours fauves à Thoiry. Leur envergure atteint les 2,80 m pour un poids de 7 à 8 kg.

Depuis trois ans, les vautours fauves sont accusés de s’attaquer à des animaux vivants et apparemment, en bonne santé. On peut citer le cas le plus spectaculaire. Celui d’une jument à Vezins-en-Levezou, tuée en mai 2021. Ses propriétaires dont une petite fille de 5 ans ont vu des dizaines de vautours s’affairer sur leur jument et ont eu beaucoup de mal à évacuer la carcasse, évoquant même des menaces pour l’homme. Cette sorte de remake des Oiseaux où Hitchcock aurait remplacé les mouettes par des vautours… n’a pas manqué de secouer l’opinion. A juste titre. Etre survolé par un vautour à moins d’un mètre laisse la première fois le souvenir d’une bonne frayeur … 

Comme souvent dans les affaires criminelles, tout se focalise sur l’autopsie. Et sa validité dépend de l’état de conservation du corps des « victimes ». En l’occurence savoir si l’animal était vivant lors de « l’interaction avec le vautour » -c’est le terme employé par la LPO- n’a rien d’évident. Car souvent les vétérinaires peuvent arriver plusieurs heures, voire plusieurs jours après les faits, surtout si les bêtes sont en estive. 

Au dessus des Gorges du Tarn

Il est où le busard ?

Alors que le débat sur les vautours remplit les pages des journaux, d’autres faits devraient interpeller, comme la disparition à grande vitesse de nombreuses espèces d’oiseaux autrefois communs – moineaux, mésanges, rouges-gorges etc..  

Son environnement dit naturel n’empêche pas l’Aveyron de connaître également récemment de sévères disparitions. L’intensification de l’agriculture productiviste, disparition des haies et des prairies naturelles – au profit du ray-grass…- explique le déclin à vitesse grand V d’oiseaux autrefois communs dans le paysage. Ainsi en va-t-il des busards cendrés ( à ne pas confondre avec les buses – NDLR-) qui nichent au sol, et qui, entre les pesticides et le labour- a bien du mal à survivre. Ce sont les taupes qui vont être contentes ! 

La LPO des Grands Causses avance les chiffres d’une étude sur l’Aveyron, la Lozère et le Tarn. En 2021, 92 signalements ont conduit à une trentaine d’expertises vétérinaires. 22 cas ont confirmé l’intervention des rapaces sur des animaux déjà morts et 4 sont liés avec des « interactions » avec des animaux vivants. Deux vaches aux mises à bas difficiles, un veau malade et la jument de Vezins pour laquelle manquait le carnet de santé, précise-t-on à la LPO. 

Même dans ces cas, pas question pour la LPO de retirer leurs statuts de charognards aux vautours. Pourtant, divers témoignages évoquent des rassemblements de vautours dans le ciel avant des vols en rase-motte ayant pour effet d’effrayer les animaux en bonne santé voire de les faire chuter ou de séparer les veaux de leurs vaches … Bref, on ne serait pas loin dans ce cas des techniques de prédation. 

L’incompréhension règne. D’autant que les éleveurs ne sont pas indemnisés en cas de mort d’un animal après une interaction avec un vautour. La FDSEA qui par deux fois a déposé des cadavres d’animaux devant le portail de la DDT (Direction Départementale des Territoires) pointe un comportement déviant des rapaces et réclame la possibilité de tirs d’effarouchement. Elle demande également une régulation de la population des vautours car certains estiment que la population pourrait augmenter de 500 individus par an – la LPO reconnait quant à elle une croissance de 10% par an- et craint que la situation n’empire. On rappellera que les vautours ne sont pas les seuls oiseaux dans ce cas. La population des grands cormorans – prédateurs massifs de poissons de rivière- explose. Des tirs de régulation sont aussi réclamés pour cette espèce devenue envahissante. A ce propos, le 15 novembre, nous serons 8 milliards d’humains sur terre…