Nature

Paysage de l’Aveyron

Au détour des pages, les auteurs de l’ouvrage Paysage de l’Aveyron, publié aux éditions du Rouergue pointent les dangers. Certes, l’importance de l’élevage dans l’agriculture aveyronnaise a permis de garder à l’Aveyron la physionomie globale que nous lui connaissons, avec sa flore, sa faune, ses odeurs et ses couleurs.

Hélas, les prairies sont « de plus en plus souvent remplacées par le maïs ensilage ou la prairie artificielle ensilée à ray-grass, à fétuque, dactyle ou luzerne au détriment de la qualité, de la diversité pastorale et de la résistance des prairies naturelles permanentes. Ces dernières ont diminué de 14% entre 1979 et 2000.

Ces nouvelles prairies sont beaucoup plus pauvres en espèces végétales et leurs sols ont tendance au tassement excessif et à l’appauvrissement en matières organiques. Le maintien des prairies et des éléments bocagers qui les accompagnent comme les haies, les arbres épars, les bosquets et les mares, est souhaitable car ils jouent un rôle primordial en termes de biodiversité, de valorisation de terroirs, de conservation des sols, d’abris, de pièges à carbone et de lutte contre l’effet de serre. Ces pâturages servent également de filtre pour les nitrates et autres engrais qui ainsi ne dégradent pas la qualité des eaux et permettent de ralentir l’écoulement des eaux afin de limiter l’importance des crues. » Tout est dit dans ce paragraphe.

Bien intelligent celui qui à l’issue de la lecture de cet ouvrage un peu jargonneux pourrait résumer les enjeux du paysage à un enfant qui demanderait à quoi l’Aveyron ressemblera dans trente ans. Demain en 2013,  la PAC devrait mettre fin aux subventions aux éleveurs, quid en Aveyron.  Pas un mot non plus sur la filière bio. Quelles conséquences le développement agricole actuel pourrait-il avoir sur les paysages à une époque où le productivisme continue d’être à l’œuvre au moment même où tous les signaux d’alarme environnementaux sont tirés. Les volumes d’engrais, de fertilisateurs et de pesticides déversés sur les terres aveyronnaises n’ont sans doute jamais été aussi élevé. Et puis, il y a Eole….

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On peut regretter que le débat sur les éoliennes soit expédié dans le livre d’une façon orientée en une demi-page. Il suffit de lire la presse quotidienne pour réaliser à quel point le sujet est sensible et est au cœur de la problématique des paysages en Aveyron comme ailleurs. Ecrire dans un ouvrage consacré aux paysages : « Le débat n’est pas de savoir si c’est esthétique, mais de mesurer les inconvénients de ce mode d’énergie en fonction des impacts potentiellement positifs et négatifs sur les habitants…» risque d’en faire tousser plus d’un…On rappellera à cet égard les propos que nous a tenus André Valadier, le promoteur du parc régional de l’Aubrac à propos des éoliennes. Aucune ne sera tolérée dans le futur parc régional d’Aubrac.
Une prise de position qui à contrario interroge sur la politique du Parc Régional des Grands Causses où des projets de parcs éoliens avec le soutien de grandes compagnies pétrolières sont en cours d’avancement. Or, les courbes du relief de l’Aveyron, comme celles d’une femme, révèlent une sensualité délicieuse. Est-il besoin de les recouvrir de mâts dont l’utilité pour les Aveyronnais est à démontrer au cas par cas. En revanche des pays de plaine comme la Beauce offrent plus facilement au regard des belles éoliennes qui révèlent la profondeur des paysages et rehausse l’ensemble tout comme des implants mammaires peuvent améliorer une silhouette d’une femme complexée…

Le livre Paysages de l’Aveyron est édité aux Editions du Rouergue – 39€

Morceaux choisis. Eloge de la modestie aveyronnaise.

« La beauté, l’émotion ne se trouvent sûrement pas dans le pittoresque ou le décor, mais dans l’authenticité rare
«Aujourd’hui, les paysages ruraux souffrent tout autant d’abandon que de mitage par des modèles urbains souvent importés sans considération pour la topographie, le climat et les risques naturels, Ce que nous disent ces paysages, ces architectures, c’est que la manière est plus importante que la matière. La manière, c’est l’intelligence commune, discrète, de ces habitants aux gestes précis. Leurs savoir- faire modestes et opiniâtres, économes en moyens, ont construit ces paysages et apprivoisé cette nature généreuse ou sauvage pour un peu de bonheur sur terre. Ceux-la ont fait de tout avec des riens. Leurs oeuvres n’ont pas été motivées par une volonté d’apparat ou de spectaculaire mais pour satisfaire à des besoins. Ils ont façonné des paysages outils è vivre, des paysages qui devaient avoir une fonction, une utilité, au risque de ne maintenir artificiellement que des paysages emblématiques, des paysages « façades » alors que d’autres, moins emblématiques, pourraient être transformés sans crainte, il y a autant d’exigence d’usage et de pragmatisme dans le viaduc de Millau que dans le toit citerne monumental de la ferme de l’hôpital de Millau sur le Larzac. La beauté, l’émotion ne se trouvent sûrement pas dans te pittoresque ou le décor, mais dans l’authenticité rare, le quotidien et le banal, l’intelligence cachée derrière les images que nous livrent les paysages de l’Aveyron.”