Nature

L’Abeille aveyronnaise peut-elle survivre à l’hiver ?

Vincent Forveille exerce la profession d’apiculteur depuis trente ans à Golinhac. Au fil des ans,  ce fils d’arboriculteur a vu la production de ses ruches chuter de 30%. Il ne peut que constater au quotidien une dégradation de la biodiversité en Aveyron. De quoi faire se retourner dans leurs tombes le botaniste aveyronnais Hippolyte Coste et  l’entomologiste Henri Fabre !

forveille_pixQuelle évolution du paysage aveyronnais et de la biodiversité avez-vous constaté ces trente dernières années  ?
Les prairies artificielles plantées ray-grass se sont généralisées. Elles n’apportent rien aux abeilles. Le ray-grass offre une valeur élevée pour l’ensilage. Mais il perd la richesse en oligoéléments des prairies naturelles. Même lorsqu’il reste des prairies naturelles, les abeilles n’ont pas le temps de les butiner. En quelques jours, tout est coupé, plié, ensilé.
Quant aux haies, riches en fleurs diverses, elles sont encore trop souvent débroussaillées chimiquement par les agriculteurs. Et l’on voit beaucoup de fleurs importantes (ronces, buissons noirs, aubépines..) pour les pollinisateurs disparaître et réduire ainsi le paysage apicole.

Sur les hauteurs de l’Aveyron, les sapins ayant souvent remplacé les bruyères callunes et les moutons ne faisant plus leur travail de tonte, cette miellée a quasiment disparu. Nous faisons nos miellées que sur quelques fleurs restant importantes (châtaigniers, pissenlits, bruyères érica), toutes les autres fleurs devenant aléatoires.
Et si la météo s’en mêle, nous en sommes réduits à nourrir à l’automne nos colonies pour qu’elles puissent passer l’hiver. Cela aurait été inconcevable, il y a trente ans. Insectes et abeilles souffrent tous de l’appauvrissement de l’écosystème et leur population se réduit d’autant.

Comment votre production de miel s’en ressent-elle ?
Elle a chuté de 30% en trente ans. Et heureusement nous ne sommes pas dans une région céréalière où l’effondrement des productions de ruches varie de 70 à 80%.

Peut-on inverser la tendance ?
Dans la région de Golinhac, où je travaille, la prise de conscience de la dégradation de la biodiversité est encore faible. Il y a 20 ans, on se fichait de nous. Aujourd’hui quand un apiculteur parle, l’agriculteur a tendance à l’écouter.

Alors la nature aveyronnaise préservée, cet axe fort de l’Aveyron, c’est juste pour amuser la galerie, ça ne tient plus la route  ?
Ceux qui mettent en avant cet aspect de l’Aveyron ne se sont pas rendus compte des changements. Certes l’Aveyron est mieux loti que d’autres régions. Mais les faits sont là. Et si aucun des grands acteurs agricoles ne veut être acteur de changement nous continuerons droit dans le mur.