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Boudou : Un passage tiré du livre “Les demoiselles“

LES DEMOISELLES
Ou comment on arrive à créer le parc des Espinergues.

«Les Beaux-Arts, un moment, avaient envisagé, grâce à une subvention de la banque condominale, de reconstituer tout le château, comme il était au temps des seigneurs.
Puis, comme il faut des ruines pour satisfaire les visiteurs romantiques, pique-lunes et autres amateurs de légendes, on laissa le château démantelé.
La subvention servit donc à rétablir la chaussée boulière, à la paver sans goudron, et aussi à planter les boules, c’est-à-dire des bornes, de chaque côté, à intervalle d’une perche…
Cependant, les nuits d’été, le château est tout illuminé, et les haut-parleurs, du coucher du soleil à l’aube, déversent de la musique médiévale : « Son et Lumière »…
Le chemin touristique n° 4 part du Haut Rempart de Montespine, grimpe sur la montagne de Quins et la traverse au col de Malepoire. Il retombe ensuite sur la grand’route de Rodez…
Tel est donc l’Espinergue. Mais vous ne connaissez pas son histoire. Ecoutez donc.

Jusqu’à la seconde guerre mondiale, toute cette contrée était un pays d’agriculture traditionnelle et arriérée. A l’écart de la grand’route et du chemin de fer, Sauvespine, tout doucement, achevait de mourir. Une foire se tenait chaque mois à Montespine : porcs et veaux surtout, et volaille…
Chacun vivait comme il pouvait. Plutôt mal que bien. Mais on vivait. Avec le progrès, cette médiocrité ne pouvait durer. Il fallait se moderniser. Mais l’argent, où le trouver ?
Garantie par l’Etat, une banque se créa à Montespine : le Crédit Central. Deux autres banques, la Générale et la Sociale, essayèrent aussi d’ouvrir des bureaux. Mais elles ne résistèrent pas. Que comprendre aux affaires bancaires ? Le Crédit Central acheta les deux sociétés en liquidation et prit le nom de Crédit Central Général et Social.
Et la modernisation alla bon train. Les tracteurs pour commencer. Les machines suivirent, les autos, les maisons neuves… Les techniciens du développement rural n’en finissaient pas de conseiller. Mais ils ne payaient pas. Le Crédit Central Général et Social prêtait. Généreusement. Sur hypothèque.
Mais on ne vivait plus. De paysans, il n’en restait plus. Rien que des entrepreneurs agricoles.
Entrepreneurs sans ouvriers qui travaillaient comme des damnés, le cul sur leurs machines… Et les intérêts qu’il fallait payer, et le capital qu’i fallait rembourser sans y parvenir. Impôts, assurances, cotisations…
Les techniciens ne parlaient que de révolution : révolution fourragère, révolution céréalière, révolution vitellière, agnelière, porcelière. Et puis la gestion. Cette gestion ! Personne n’y comprenait rien… A qui n’avait que des dettes et pas un sou d’avance, quelque comptable venait prouver, papiers en mains, qu’il était riche tant et plus…»

 

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