Passer de patron de brasserie à éditeur, sacrée reconversion… Michel Bessières n’a pas manqué de panache en publiant un bel ouvrage consacré à Wepler, brasserie où il a passé 42 ans de sa vie avant de la céder à la famille Joulie. Il faut dire que le prix Wepler qu’il a fondé en partie avec la libraire des Abbesses et la Fondation de la Poste est devenu un événement phare de l’année littéraire.
Ecrit par l’historien Jean-Yves Mollier, l’ouvrage témoigne bien de ce tourbillon que fut la métamorphose de Paris au XIXe siècle, particulièrement sous Napoléon III, celle où les grands magasins accompagnent l’éclosion des grandes brasseries parfois en recourant aux mêmes matériaux. C’est aussi l’heure de gloire de la rive droite sur la rive gauche, laissée aux rapins. Un siècle plus tard, cette dernière prendra sa revanche …
Conrad Wepler, Bavarois devenu français par la grâce de l’extension des frontières du Premier Empire installe un commerce de marchand de vins à la barrière d’octroi de Batignolles en 1818. Au fil des changements de propriétaires c’est finalement en 1891 que Wepler s’installera définitivement 14 place Clichy. La brasserie changera souvent de main et passera notamment sous le contrôle de groupes financiers comme celui regroupant les Grands restaurants Brébant et les Bouillons Parisiens, ces restaurants bon marché pour employés.
Bien sûr, il y a derrière l’histoire de ces brasseries, les sagas des tribus d’Aveyronnais et d’Auvergnats qui se frottent aux Alsaciens émigrés en masse après la guerre de 1870 et qui font découvrir la bière et la choucroute aux Parisiens. Sans oublier les Savoyards devenus maîtres des écailles avec leurs bancs d’huîtres.
On salive beaucoup à la lecture de cet ouvrage. On découvre ainsi que les pieds de porc tout comme les huîtres d’Ostende étaient très à la mode au début de la IIIème République. Pourtant à partir des années 1880, la carte des brasseries se fige. Lapin en gibelotte et tripes s’effacent devant huîtres et choucroutes.
Wepler n’a pas été épargné par les convulsions de l’histoire, vitrines cassées des manifestations ultra-violentes des années 30, il deviendra pendant l’occupation le foyer du soldat allemand réservé à la Wehrmacht. Avec la paix et le retour à la vie civile, la vie reprend ses droits au Wepler avec son défilé de personnalités, d’écrivains, d’artistes et d’inconnus, riches ou pauvres, qui fait cette ambiance unique et qui demeure la marque des vraies brasseries parisiennes.