Actus Art de vivre

La Maison Aveyronnaise

Interview de Daniel Crozes.
Quel regard portez-vous sur l’habitat contemporain aveyronnais ?

crozes-maisonIl y a le meilleur et le pire comme on le voit avec certains lotissements. Ce n’est pas nouveau. Quand les premières maisons en préfabriqués sont apparues, on a eu un choc, finalement on s’y est habitué.
Mais il y a aussi des choses très réussies par exemple des extensions en bois sur du bâti existant ou encore des maisons écologiques telles que celle de José Bové à Montredon qui s’intègre parfaitement dans le paysage.
En revanche, il faut se méfier des modes et tendances dans la décoration. Ainsi les pierres apparentes ne sont pas forcément dans la tradition en sud Aveyron qui suppose plutôt un crépi afin d’offrir une meilleure protection à des pierres tendres.

Sur ce point, votre ouvrage peut s’avérer un guide utile pour éviter certaines dérives ?
Il serait bon que les « neo-aveyonnais » s’inspirent de l’histoire du pays avant d’entreprendre des restaurations telles qu’on peut en voir dans certains endroits, faites de bric et de broc, mélangeant tôles et ardoises et même de moellons. J’espère que les architectes liront ce livre afin qu’ils conseillent correctement leurs clients pour réussir leur restauration.

Une ferme abandonnée dans le sud Aveyron

Une ferme abandonnée dans le sud Aveyron

Vous évoquez la perte des savoir-faire et la disparition de certains matériaux tels que les lauzes, le danger est sérieux à ce point ?
Partout le patrimoine est menacé. Il y a des grands domaines sans succession sur les Grands Causses qui ne sont plus entretenus, que vont-ils devenir ? Quand je sillonne les routes du département, je vois que toutes les régions sont touchées. Dans l’Aubrac méridional, j’ai vu un village où il n’y a pas une seule construction moderne. Mais quand on s’approche, on découvre alors que les toits sont en tôles et que les lauzes ont été vendues. Cela gâche tout. C’est la même chose avec certains burons d’Aubrac qui subissent les mêmes outrages. Il ne reste que les quatre murs.
Pour les agriculteurs, entretenir des bâtiments ou refaire des toitures en lauzes n’est pas rentable. Mais les résultats sont parfois catastrophiques. Encore que dans certaines étables ou des stabulations, on peut apercevoir des construction en bois. Ce qui est bien. Mais c’est sûr qu’avec des bâtiments agricoles fonctionnels, on se retrouve dans une autre dimension.

 

Carrières de Lauzes près de Valon en Carladez, entreprise Palat.

Justement, au-delà des maisons, l’évolution de l’agriculture vous inquiète-t-elle sur le plan du paysage en général ?
Le problème n’est pas récent. On l’a connu dans les années 50 et 60 lorsque l’Aveyron s’est modernisé. On a fait tomber les portails pour faire passer le tracteur. Aujourd’hui, on coupe plus facilement que ce que l’on plante. On arrache les haies pour réunir les parcelles. Parfois on en replante mais c’est très rare. Or les haies avaient autrefois leur utilité :  pour la faune,  le vent ou encore l’érosion des sols. Il faut les entretenir. Il est évident que les impératifs de rentabilité sont toujours là. Si l’on ajoute les problèmes liés à l’élevage, la situation parait bien compliquée.

Propos recueillis par Laurent Bromberger, le 23 novembre 2016

La Maison Aveyronnaise –
Daniel Crozes, Didier Aussibal
Photos de Patrice Thébault
Rouergue
256 pages – 36€