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Daniel Carton et Le nègre du Président

Cette fois-ci, Daniel Carton ne situe pas son œuvre dans son Sud-Aveyron. C’est d’un pays d’Amérique latine qu’un ex-nègre de Sarkozy raconte par le menu sa vie quotidienne passée au « Château ».

Pauvres agriculteurs, il ne pèsent plus grand chose sur le plan économique. Mais sur le plan de la « com », il semble que ce soit autre chose. Et la « com » – malheureusement plus que l’intérêt de l’Etat- c’est aujourd’hui qui compte le plus pour un homme politique. Surtout quand se rapprochent les échéances électorales.
Or ce sont justement, les paysans qui fournissent donc le joli motif à Daniel Carton de son dernier roman « Le Nègre du Président ». Celui de la vengeance du porte-plume de Sarkozy, un énarque bien comme il faut, qui, pour se venger de l’hôte de l’Elysée, lui fait prononcer devant des agriculteurs du Jura le le même discours de portée nationale servi six mois plus tôt à d’autres agriculteurs. Sa mise en congé par le secrétaire général de l’Elysée est une scène d’anthologie, tout comme la description des mœurs du Château. Savoureux, hilarant et décapant comme du papier de verre sur la motte de beurre de nos dernières illusions citoyennes…

Extraits :

«Il était là, pressé, toujours pressé. N’avait qu’une idée en tête : désamorcer le conflit des éleveurs qui grognaient aux flancs de leurs foutues vaches sur le prix de leur litre de lait. Les préfets avaient fait leur rapport risque de contagion niveau 1 dans nos douces campagnes. A part le conseiller chargé de ces questions qui en sait déjà plus que le ministre, ce n’était pas le sujet qui passionne d’emblée à travers tous les étages du Château. Je ne sais d’ailleurs si on y pourrait débusquer fils ou petits-fils de paysan. L’influence nivernaise ou corrézienne s’y est perdue. II en va en ce lieu comme dans notre bonne cité de Neuilly : le bouseux y exerce moins d’attrait que le show-biz.

Ah ! de la nouvelle copine de Bruel, du dernier coup de la petite Drucker, du Johnny national, je pouvais leur en parler tant que je voulais. Et Lui, Il aurait mieux fait de faire imprésario …
Pour Johnny, on était prêts à se décarcasser. Pour les paysans, c’était une autre chanson. Va encore falloir arroser ces ploucs. Ces cons nous emmerdent Mais une fois ce constat établi, on ne pouvait pas, comme Il vint nous le dire, attendre que ça se passe. Il nous expliqua qu’électoralement ce n’était pas très grave vu qu’avant qu’un paysan vote socialiste, il coulerait bien du lisier sous les ponts, mais il y avait les images à la télé, dévastatrices sur l’opinion. Ces milliers de litres de lait déversés dans les labours. Ce genre d’images, faut jamais déconner avec I Le lait jeté par les fenêtres, les « retraités du 13 heures » comme on les appelait, ils ne supportent pas. Ça leur rappelle trop les tickets de rationnement.
Décision fût donc prise d’une adresse de portée nationale à nos compatriotes campagnards éprouvés. Consigne faut leur donner du grain à moudre. »

Le Nègre du Président,
Daniel Carton
Editeur : Hugo&Cie
Prix : 15 €

Lire les autres articles sur les livres de Daniel Carton comme « Bien entendu, c’est Off » ou son dernier ouvrage de mars 2013, A la Grâce