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De Gaulle et les nouvelles technologies

Ancien député du sud Aveyron et ancien ministre de la Coopération, Jacques Godfrain préside aujourd’hui la Fondation Charles de Gaulle. Ce gardien du temple remplit bien son office. On a pu s’en rendre compte le 22 mai lors d’une soirée organisée dans les salons du Gouverneur Militaire des Invalides par la Fédération des Amicales où il a fait un exposé sur un sujet qui n’est a priori pas forcément évident. De Gaulle et la technologie.

Jacques Godfrain a mis d’abord en avant le côté moderne du Général, «un homme qui avait vu les limites de son temps». Et de rappeler très vite ses idées sur le recours aux blindés développées dans son livre « Vers l’Armée de Métier » paru en 1934 et qui eut peu d’impact en France. Jacques Godfrain a rappelé cette anecdote. Pénétrant la chambre d’Hitler dans son « nid d’aigle » de Berchtesgaden en mai 1945, Alain de Boissieu, le gendre du Général, avisa sur la table de chevet l’édition allemande du livre de De Gaulle annotée par Hitler …

Comment expliquer une telle ouverture d’esprit chez un homme issu d’une vieille famille française pétrie de traditions ? Parmi les inspirateurs du Grand Charles, Jacques Godfrain pointe le philosophe Bergson comme penseur de la liberté et de la durée , ennemi du fatalisme et adepte de la volonté. Il cite aussi Charles Péguy ou Jean-Claude Maritain

L’humain au cœur de la technologie
Pour de Gaulle, le progrès technique n’était pas incompatible avec l’homme. Au contraire. Jacques Godfrain a cité différents discours du général sur ce point. Pour lui,  l’homme devait être au centre de la recherche technologique. Alors qu’au temps de l’URSS, elle fut un instrument de domination et de conquête. Tandis qu’aux USA, elle est au service des forces du marché. Et Jacques Godfrain de préciser à ce sujet que c’est dès 1942 lors d’un discours à Oxford que de Gaulle amorça le thème de la participation des salariés dans les entreprises.

L’indépendance technologique
Evidemment quand on pense technologie et de Gaulle, on pense nucléaire. Celle qui permet au faible de devenir fort grâce à la dissuasion. Mais Jacques Godfrain a aussi cité toutes les autres technologies initiées sous le Ve République. Les commandes électriques de Concorde reprises sur l’A320, la TV couleur  en 1967 grâce au procédé Secam. Mais aussi le CNES de Kourou et la position leader de la fusée Ariane comme lanceur leader sur le domaine des satellites. Ou la centrale marémotrice sur la Rance. Sans oublier les premières esquisses d’un train rapide, ancêtre du TGV.

 

L’ancien ministre de la Coopération a expliqué qu’il n’y avait pas à l’époque l’hostilité que l’on peut rencontrer aujourd’hui sur nombre de projets et de programmes de recherches. Il a ainsi pointé du doigt le conservatisme des Français.  Citant en exemple une opinion qui s’oppose à la construction d’un nouvel aéroport à Nantes alors que l’industrie aéronautique emploie 25 000 personnes dans la région. Ou encore le fait qu’il n’y a plus aucune recherche agronomique depuis l’opposition aux OGM. « Une civilisation est jugée à toutes les molécules créées pour la Science Humaine.» Dans le même esprit, il a cité le cas de l’Aveyron et l’exemple de la protection de l’écrevisse à pattes blanches, qui, selon lui, aurait empêché la réalisation de la liaison 2 fois 2 voies Albi-Rodez.

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On peut comprendre sa phobie de ces oppositions qui rejettent par terrorisme intellectuel toutes avancées scientifiques. Mais le décrochage de la France de nombre de technologies ne s’explique-t-il pas par d’autres causes ? Et peut-être paradoxalement par cette toute puissance des ingénieurs des grands corps mis en avant par ce « Gaullisme technologique ». Dans certains cas, ils ont fait preuve d’une cécité totale face aux attentes de la société civile. D’où ce sentiment du verre à moitié vide… Même s’il nous reste encore des positions de leader en matière aéronautique, spatiale ou encore nucléaire, la France a décroché dans nombre d’autres domaines. A commencer par les technologies de l’information. Jacques Godfrain a cité lui-même le « Plan Calcul » de Pompidou en 1966,  imaginé pour lancer une industrie informatique. Mais aucun constructeur – à commencer par Bull- ne s’est révélé capable de répondre aux attentes du marché. Bull a quasiment disparu alors qu’Apple, Dell, Google et consorts façonnent aujourd’hui le monde de l’information.

Or, les guerres futures –elles ont déjà commencé en fait- seront d’abord des guerres informatiques. Les virus et les vers programmés par des groupuscules ou des états terroristes visent à détruire tous les réseaux structurants d’un pays. Alors comment la France, patrie d’élite des mathématiques, a-t-elle pu laisser passer le train informatique mondial ? N’est-ce pas aussi parce que la recherche a longtemps été corsetée par des ingénieurs issus des grands corps d’Etat omnipotents incapables de répondre aux attentes de la société civile.

Jacques Godfrain a ainsi donné parfois l’impression de rester arc-bouté sur les bienfaits –indéniables- de la politique gaulliste en matière de technologies. Au point de les juger indépassables ? C’est un défaut qui guette tous les gardiens de Temple. Et spécialement du temple Gaulliste. Mais le propre du Gaullisme n’est-il pas de savoir s’adapter aux circonstances ?