C’est une exposition hommage plutôt qu’une rétrospective. L’exposition Soulages au salon Carré restitue d’une façon dense les principales étapes de l’œuvre du peintre sur huit décennies depuis les années 40 jusqu’en 2019. Même si l’outrenoir qu’il travaille depuis 1979 est omniprésent.
Pour les béotiens ou les rétifs à l’artiste ruthénois, c’est une opportunité pour tenter enfin de percer l’œuvre de ce peintre qui n’ayant rien produit de figuratif a mis, dès le départ, un espace avec ses contemporains en quête de représentation. Sa façon d’appeler ses tableaux par leur format et leur date de création n’alimente aucune inspiration, ne nourrit aucune interprétation. Il laisse au visiteur une liberté totale pour ressentir et éprouver ou non une émotion qui lui est propre.
«C’est assez merveilleux de penser qu’il a visité le Louvre en 1938 pour la première fois et qu’en 2019 il y soit honoré.»
Alfred Pacquement, ami du peintre et commissaire de l’exposition et président du Musée Soulages à Rodez. Il avait organisé la première expo de Soulages au Centre Pompidou en 1979.
Avant les vitraux de l’abbatiale de Conques il y a les verrières de la Gare de Lyon…
Les premières œuvres exposées juste à l’entrée de la salle sont des goudrons sur verre. Ils remontent à 1948. Alfred Pacquement explique qu’à Paris Soulages avait été frappé par les verrières de la gare de Lyon avec ses rubans de goudron. Travail qui, d’une certaine façon, influencera plus tard son travail sur les vitraux de l’abbatiale de Conques…
Dans les années 55/65 Soulages l’Américain
Nul n’est prophète en son pays. C’est aux USA que Soulages a commencé à connaître sinon la gloire du moins la renommée.
A l’exemple de cette peinture datant de 1953 acquise par le Musée Guggenheim la même année. Elle est caractéristique avec cette structure faite de grandes traces noires très larges et qui joue sur le contraste entre le noir et les couleurs plus claires.
A partir de 1954, chaque année pendant 10 ans à partir de 1954, il expose à New-York à la Galerie Kootz. Toutes ses toiles sont vendues à des collectionneurs américains. Durant cette période, il était très ami de Mark Rothko, l’autre grandes figure de l’art abstrait de l’après-guerre avec Jackson Pollock. Vers la fin des années soixante, les USA se replient sur leur propre culture. Et l’aura de Soulages disparaît face à l’offensive Pop Art.
Ce n’est finalement que très récemment que Soulages est revenu sur le devant de la scène outre-atlantique, avec une grande exposition et un article dans le New-York Times.
Années 60 encore des fragments de blanc..
Dans les années 60, Pierre Soulages, explique Alfred Pacquement utilise une peinture beaucoup plus liquide avec ses grandes nappes de couleur noire qui remplissent la surface et laissent quelques fragments de blancs. La monumentalité devient l’un des autres traits caractéristiques de son oeuvre.
Les trois « Soulages primeurs » du Louvre
Un mur du salon Carré avait été réservé au peintre. «A 99 ans et dix mois, il s’est lancé dans un format immense de 3,90 m de haut, l’un des plus grands formats qu’il ait jamais utilisé. Des verticales qui peuvent faire penser aux fenêtres de l’abbatiale de Conques.» explique Alfred Pacquement.
Les deux de gauches ont été peintes en août 2019 et celle de droite est encore fraîche d’octobre. «Il ne voulait surtout pas que cela ressemble à un diptyque ou à un triptyque, mais il a voulu les remonter.»
Pour peindre une telle surface, il est juché sur une passerelle armé d’ un long manche avec au bout soit une brosse soit un racloir à creuser un sillon ou le lisser dans l’acrylique.
Soulages au Louvre, Musée du Louvre, Paris, jusqu’au 9 mars 2020. 15 €