Jacques Molières a succédé à Jean Laurens à la présidence de la Chambre d’Agriculture en novembre 2010. Dans son Gaec de Montbazens, il exploite un troupeau d’une soixantaine de vaches laitières et d’une vingtaine de vaches allaitantes. Entretien donné le 17 février 2011.
Dans quel état d’esprit abordez-vous le Salon de l’Agriculture 2011 ?
On va défendre le pays, avec le stand dans le hall central et une journée de l’Aveyron qu’on organise le mardi. Nous allons faire connaître la marque «Fabriqué en Aveyron». Dans notre département, 80% de la production est sous signe de qualité.
Mais tout ne va pas pour le mieux. L’élevage porcin et l’élevage allaitant sont en grande difficulté. Il faut faire passer le message que les prix à la consommation doivent suivre des indices. Le débat n’est pas nouveau. La valeur ajoutée est très mal répartie entre la production, les industriels et surtout la grande distribution qui se taille la part du lion.
L’élection du céréalier beauceron, Xavier Beulin, en décembre 2010 à la tête de la FNSEA, contre l’éleveur aveyronnais, Dominique Barrau, n’est-elle pas un symbole ? Celui de la fin d’une agriculture à taille humaine chère à Raymond Lacombe ?
Mon soutien était sans faille pour Dominique Barrau comme toutes les régions d’élevage. C’est la première fois que les céréaliers se mettent en avant. Il faudra qu’ils trouvent les équilibres entre élevage et céréales comme cela s’est toujours fait. J’espère que Xavier Beulin aura l’intelligence d’y parvenir pour que l’agriculture demeure une force dans ce pays.
Le développement du Bio en Aveyron, c’est une tendance forte ?
Le Bio comme les circuits courts, représente quelque chose d’intéressant. Si on peut faire en sorte que 1000 exploitations dans ce département tirent leurs épingles du jeu avec le Bio, c’est tant mieux. Mais il faut garder présent à l’esprit que ce sont les grandes productions qui tirent l’économie d’un département. Et notre rôle de responsables, c’est de lier économie et territoire. C’est l’élément fondamental pour un département comme l’Aveyron. Il faut qu’il y ait des gens qui vivent de leurs productions. Ainsi que ce soit sur l’élevage, le lait, la brebis ou la production de viande, le département comme la région Midi-Pyrénées ne peuvent se désengager de ces productions.
Donc le bio demeure anecdotique par rapport aux fondamentaux de l’agriculture aveyronnaise ?
C’est sûr. Tant mieux si des gens peuvent en vivre. Mais il ne faut pas rêver. Le bio ne permettra pas à 5000 exploitations de vivre. Le véritable débat de demain, c’est le défi alimentaire. Il faut continuer à faire en sorte que la France exporte même si on n’est pas partisan d’un productivisme à tout va. Si on se désengage des grandes productions, on aura un désert.
Sur le porc, il existe en Aveyron des projets de porcheries géantes qui suscitent l’opposition des riverains* ?
Si ça continue comme ça, il va rester 200 à 300 éleveurs de porcs en Midi-Pyrénées. Or, nous avons dans la région de nombreux salaisonniers qui sont obligés d’aller chercher des porcs en Espagne ou dans le nord de l’Europe. C’est une aberration. Ce type de débat est truqué surtout dans notre région. Les raisons des opposants ne tiennent pas la route. La Chambre d’Agriculture exploite une porcherie aux portes de Villefranche. Elle est dans les normes, il n’y a pas d’odeurs. En Aveyron, on est loin d’être dans la situation de la Bretagne. Par contre si on se désengage, ce seront les Allemands qui l’emporteront et l’économie française et son agriculture seront loin derrière. Ce qu’il faut voir c’est que ces porcheries peuvent faire vivre deux ou trois familles.
Justement, avec 2,5 exploitations qui ferment pour une reprise, l’agriculture aveyronnaise attire-t-elle encore les jeunes ?
En fait, avec une installation pour 2,3 départs à la retraite, l’Aveyron est l’un des départements français les plus dynamiques. Mais une reprise réussie se prépare dix ans l’avance. Car il faut lier performance économique à performance sociale. Etre bon à tous les niveaux : sur le plan technique, sur la gestion, mais aussi sur le plan social. Les agriculteurs qui vont s’installer doivent avoir des week-ends disponibles. Cela passe par le regroupement des exploitations.
Le bonheur existe-t-il encore chez les agriculteurs aveyronnais ?
En Aveyron, il y a encore la passion du métier, de l’élevage même allaitant. On peut trouver des équilibres. Ce n’était pas forcément plus facile de s’installer, il y a 30 ans. Aujourd’hui, le poids du carcan administratif pèse énormément. Par exemple, si on veut réaliser un lac collinaire pour irriguer, le poids des études d’impact économique et environnemental est dément. Malgré tout, il reste encore des paysans debout et heureux. Même si il est difficile d’encaisser les crises les unes derrières les autres.
*lire article novembre 2010