Portraits

Michel Bessière et le prix Wepler

bessiere-weplerToujours tiré à quatre épingles, dans ses costumes impeccables, on pourrait croire Michel Bessières omnubilé par la seule bonne marche de son Wepler. Or voilà un homme aux multiples facettes. Un homme faisant preuve d’une large ouverture d’esprit qui met la culture en avant plutôt que de pousser la sono pour attirer le chaland.

Ainsi de son alliance avec Marie-Rose Guarnieri, ex-du Larzac et vraie libraire contestataire du quartier de Montmartre qui entend redonner aux livres leurs éclats. Il n’empêche pour monter un prix littéraire sur la rive droite, après Lipp, le Flore, les Deux Magots, il fallait être non seulement motivé mais également audacieux. Six ans après, le pari est gagné et le prix Wepler-Fondation de la Poste est unanimement reconnu.

Malgré sa connaissance du tout Paris des médias, de l’édition et de la limonade, Michel Bessière est à mille lieux du parisianisme. Au contraire, il fait preuve d’un attachement et d’une passion sincère pour son pays -il est de Mouret- et retape dès qu’il en a le temps la maison familiale du grand-père. 
Mieux, il paye de sa personne pour conjuguer l’amicalisme au présent. Responsable des Sports à la fédération des Amicales, il entraîne les jeunes footballeurs rouergats tous les lundis soir dans un stade Porte de la Chapelle. «Sur le banc de foot comme ailleurs, on sent le type qui n’a pas la grosse tête, alors qu’avec une affaire comme la sienne…Chapeau bas» dit de lui un des jeunes joueurs Aveyronnais du Club le Cantou.
Cheville ouvrière à la Fédération des Amicales, il n’hésite pas, par exemple, à se farcir l’aller-retour Paris-Laguiole dans la nuit pour que le marché de Bercy d’octobre ne rencontre pas une rupture de stock d’aligot. Touche finale et amicale qui confirme que l’homme n’est “pas du genre à se prendre la tête“, il adore faire la fête sans façon. Il suffit de le voir pour s’en convaincre.

Le Prix Wepler-fondation de La Poste
«Un prix qui naît de l’association d’une brasserie et d’un libraire ne peut pas être forcément mauvais», soulignait avec un art de la litote consommé un des participants à la sixième édition du Prix Wepler-Fondation de la Poste le 24 novembre 2003. Il a été décerné à Eric Chevillard pour «Le Vaillant Petit Tailleur » (Editions de Minuit), inspiré par le célèbre conte de Grimm. 
Créé en 1998, par Marie-Rose Guarnièri (Présidente du Prix), célèbre libraire de Montmartre et Michel Bessière, patron du Wepler, avec le soutien de la Fondation de la Poste, ce Prix est donc devenu en peu de temps une institution de la vie littéraire parisienne.

Et le cru 2003 n’a pas démenti son succès. 
A juste titre. Car jamais moins que cette année, le Prix Wepler n’a failli à sa réputation d’indépendance. Indépendance de la pensée avec un jury composé pour moitié de lecteurs -ce qui en fait un Prix à l’écart des cénacles de l’édition de la Rive Gauche frappés par le “big business“ de la concentration en cours dans l’édition et dont parfois les choix semblent très loin des exigences des lecteurs. Indépendance d’une des dernières grandes brasseries parisiennes dans un milieu lui aussi en proie à la concentration des groupes de restauration.

Le Wepler est “une brasserie qui n’a pas besoin de se hausser du col» rappelait à cet égard Michel Bessières. 
Ce Prix est dans la plus pure tradition “parigo-aveyonnaise“, dans la mesure où l’un des premiers du genre fut créé par Marcellin Cazes, le légendaire patron de Lipp et qui devint le prix Cazes. Avant d’être suivi par ceux des Deux Magots et du Flore. Ainsi le Prix Wepler (ci-contre la brasserie le soir de la remise du Prix) apparaît-il comme une belle réponse du berger de la rive droite aux bergères de la rive gauche. Aussi parisien que ses devanciers, le prix Wepler renoue avec une autre histoire littéraire de Paris marquée par Montmartre et également avec son propre passé puisque le Wepler fut l’un des refuges de l’écrivain, Henry Miller, auteur de “Jours Tranquilles à Clichy.“