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Interview Jean-Pierre Olié, psychiatre à Sainte-Anne

Pourquoi s’être tourné vers la psychiatrie ?
C’était la discipline la plus proche de la médecine générale, celle qui permet le plus de contact humain et d’être le plus proche de la personne. J’irais même jusqu’à dire que la médecine générale est une branche de la psychiatrie. Car que que fait-on d’autre dans la médecine générale que d’écouter les patients.

Comment expliquez-vous la méconnaissance de la psychiatrie dans l’opinion publique?
Il est plus facile de comprendre une discipline qui soigne un organe, tel que le foie ou le cœur, qu’une discipline qui étudie les comportements et leurs multiples causes. Le champ de la psychiatrie est souvent méconnu par les médecins eux-mêmes qui font la confusion entre psychologie et psychanalyse. Ce n’est pas surprenant puisque les psychiatres eux aussi ont eu tendance à considérer cette dernière non comme une théorie mais comme une vérité.

 Dans une société stressante qui perd ses repères et met les individus sous pression, il doit y avoir de plus en plus de dépressions ?
Cette affirmation reste à prouver. Le lien entre le développement des dépressions et les facteurs sociaux n’est pas aussi clair. D’ailleurs, les maladies mentales ne sont pas des maladies de pays riches. Elles frappent tous les êtres humains sans distinction de classes ou de situations sociales.

 Et l’Aveyronnais, avec son bon sens, est-il plus épargné par les maux psychiques ?
Evidemment, non ! Mais, il les gère différemment. Il est plus facile à soigner parce que plus volontaire et surtout il n’attend pas tout du thérapeute. En ville, les patients qui souffrent de dépressions décrivent tout de suite la cause « c’est parce que…,» or c’est une illusion. En Aveyron, les gens sont plus économes de mots, ils expriment moins leurs émotions. Il m’est arrivé de tomber sur une patiente, qui me disait simplement : « Je suis très fatiguée». Quant à son mari il me disait simplement :«elle n’ouvre plus les volets».
En France dans la plupart des cas, un malade déprimé va tout attendre du thérapeute, presque jusqu’à un état de bien-être social. L ’Aveyronnais, lui, va demander une aide pour le soulager, mais il ne va pas tout en attendre. Il ne va pas attribuer à la maladie tous les petits tracas qui vont suivre, insomnies etc… Quand il sera guéri, il va se dire : « ok je ne dors pas bien, même si je ne suis plus déprimé.“

A vos yeux quel est le trait le plus attachant du caractère aveyronnais ?
Ce que j’aime c’est l’honnêteté et le respect de la parole donnée. Cette idée que la vertu est toujours récompensée. Et ça, on le constate plus qu’ailleurs et même avec les jeunes générations. Cela crée presque une sorte de fraternité identifiée et vivante.

Entretien donné à l’hôpital Sainte-Anne, le 1er avril 2005.

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