Portraits

Arthur, le berger de Montaigut

« Cette année, la luzerne pousse mal. «  confie Arthur, berger au pied du château de Montaigut. Trop de pluie. Paradoxalement l’absence de luzerne, dont raffolent les brebis, constitue un souci de moins. Car, on le sait, ingérée trop goulûment, la luzerne déclenche parfois dans les intestins ovins la redoutée météorisation. Les gaz qui se créent lors de la digestion de la luzerne rendent la panse dure comme une table de ferme, écrasant la cage thoracique.
En un quart d’heure, la brebis suffoque et passe l’arme à gauche.

Le poinçon de Laguiole aurait été justement créé pour pratiquer un trou dans la panse et faire dégonfler. « En tout cas, moi, je n’ai jamais essayé, je préfère appuyer vigoureusement sur la deuxième côte à un endroit que je connais. » confie Arthur. D’autres essayent aussi d’enfoncer une sonde. « Pour se prémunir, on peut diluer de la paraphine, 1 litres pour cent brebis dans leurs aliments, ça lubrifie. » explique-t-il.

berger

Compagnon et complice
Quand on a 300 brebis à surveiller, comme Arthur, pas question de rêver au paysage.
Il faut savoir repérer celle qui va flancher. Si ce sont souvent des anciens qui ont pris le relais des plus jeunes, être berger n’est pas une sinécure. Il faut être sur le qui-vive en permanence. Heureusement, il y a les chiens. Ceux du Sud-Aveyron sont rarement nantis d’un pedigree. Cela ne diminue pas leur valeur aux yeux de leur maître.
Quels auxiliaires ! toujours en mouvement, le chien affirme son pouvoir sur cette masse « panurgienne » au besoin en mordillant quelques jarrets, mais sans cruauté. A les regarder agir, on devine une pure intelligence canine, une adaptation au terrain ainsi qu’une réactivité sans faille, un esprit d’équipe.
Compagnon et complice, chiens et berger se comprennent sans avoir besoin de parler. Ils veillent sur une richesse qui fait vivre le sud du département avec son Roquefort.
Curieusement le chien, n’a pas toujours été le compagnon de prédilection des bergers.
On y recours depuis trois siècles à peine. Et l’école obligatoire de Jules Ferry a accru considérablement son rôle à partir du moment où les enfants scolarisés ne pouvaient plus garder les troupeaux. On s’est alors tourné vers les anciens. Hélas, cette image du vieux berger du Sud-Aveyron cheminant dans le causse est appelée à disparaître. De plus en plus de jeunes éleveurs clôturent. Le signe que l’on ne cohabite plus avec les anciens, et que l’on a moins recours à eux.