Father Raphaël, le prêtre du pénitencier (sept 2001)
Dans le plus grand pénitencier du monde, on l’appelle «Father Raphael ». Il est né à Millau voilà 71 ans et il a arpenté seize ans durant les couloirs de Rikers Island pour soulager la misère humaine. Si l’enfer ressemble quelque chose c’est peut-être à Rikers Island. Cette île située sur l’East River, à moins de 6 km de l’Empire State Building, concentre 17 000 détenus.
Un gigantesque chaudron de haine et de violence duquel Father Raphaël tente de faire émerger un peu de bien.
Ce prêtre ouvrier millavois – mais plus new-yorkais que beaucoup- n’a pas digéré l’attentat contre le World Trade Center. Même vécu du Bronx, pourtant éloigné de Wall Street, il ne l’a pas encore assimilé. «Même d’ici, du Bronx, on voyait les deux tours», explique-t-il. Et ce trou béant dans le paysage lui rappelle les 6000 personnes disparues dans leur effondrement.
Mais « Father Raphael » a une mission. Il dirige depuis huit ans un centre de réinsertion des détenus dans le Bronx baptisé la « Maison d’Abraham » qui les héberge à leur sortie de prison durant un à trois ans.
Ce sont les juges qui assignent à ces hommes cette résidence. «Leurs familles viennent les voir à Abraham House, et nous essayons d’impliquer tout le monde, pour que le prisonnier ne se sente pas seul et ne rechute pas.»
Du coup, il ne se rend à Rikers Island que pour rendre visite à des amis derrière les barreaux.
Quand vous l’interrogez sur son quotidien, Pierre Raphaël vous parle, avec un minimum de mots d’une voix douce.
Malgré sa modestie et son humilité, on sent bien que partager une journée de sa vie doit faire apprendre beaucoup, sur soi-même et sur les autres.
Ce sont les autres, ses amis qui parlent le mieux du « Father Raphaël « .
A commencer par son vieux compère Alain Sailhac, l’Aveyronnais de l’école de cuisine française de Manhattan qui participe à toutes les œuvres de charité de «Abraham House ». Ils se sont rencontrés voilà 26 ans à New-York pour évoquer leurs racines millavoises, eux, qui avaient fréquenté le même établissement scolaire du Beffroi à Millau.
«C’est un type fabuleux, témoigne Alain Sailhac, combien de fois l’ai-je vu héberger des détenus chez lui à leur sortie quitte à se faire dérober des biens. » Difficile de ne pas penser aux chandeliers de Monseigneur Myriel, l’évêque de Digne, emportés par un Jean Valjean hébergé… .
Comment “Father Raphael“ fait-il pour tenir le coup, pour résister à toute cette misère humaine, à cette brutalité qu’il côtoie chaque jour, c’est la question qu’on se pose inévitablement. Cet homme a foi en l’homme comme en dieu. La foi c’est son carburant.
« On ne peut pas penser que l’homme ne peut pas se réformer. ..Je ne suis pas seul dans cette tâche. Il y a une présence au-dessus de moi qui est belle et forte et qui m’accompagne chaque nouveau jour. Alors, baisser les bras c’est aller dans le mur. » Et puis il y a les joies qui font oublier toutes les peines. «Celle de voir des enfants de prisonniers qui retrouvent leurs pères à sa sortie de prison, car ce sont les enfants les plus grandes victimes. »