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« Les Pouvoirs de Jean » le dernier roman de Roger Béteille

Interview Roger Béteille à propos des « Pouvoirs de Jean ».

beteille1/ Votre livre commence par un abandon. La vertu perd pied, le mal qu’on voit disparaître revient à la charge. Jean est humble mais il a le pouvoir du feu, l’amour lui aussi naît et disparaît quand on ne s’y attend pas. Au-delà de ces inversions, vos héros, Jean et Cathy triomphent. Cet optimisme est-ce selon vous plus une réalité qu’une exception ?

« Je crois que c’est une réalité dans la situation précise des mariés qui est une relation réfléchie au départ. Episodes positifs et épisodes négatifs se contrebalancent. Il existe un cheminement vers l’union de ses deux personnages. Ils rencontrent des difficultés que des couples aléatoires ne connaîtraient pas.
Je n’ai pas voulu que mes personnages soient des héros, ce sont plutôt des anti-héros.

Aujourd’hui le célibat paysan devient un problème alors qu’à l’époque, les jeunes paysans avaient trouvé la solution en se mariant avec des infirmières ou des institutrices. Désormais, les jeunes paysans ont des difficultés à se marier simplement parce qu’ils sont à la campagne. Et parce qu’être agriculteur aujourd’hui n’est pas forcément très valorisant auprès des jeunes filles de la campagne.
Vulgairement, on dit des jeunes filles d’aujourd’hui qu’elles sont dessalées mais je pense justement que pour des êtres qui parcourent un chemin et se rencontrent, le surnaturel, peut devenir un élément de cohésion, de rapprochement, en l’occurence, Cathy, se rend compte que Jean est honnête alors qu’elle en avait douté.»

Le surnaturel est-il aujourd’hui plus un obstacle à l’amour qu’il ne l’était autrefois ? N’y-a-t il pas une stabilité plus difficile pour les couples d’aujourd’hui ?

« Autrefois, c’était peut être un lien et une division, mais sans doute aujourd’hui justement dans la situation où tout ce qui concerne l’amour est développé et analysé, le surnaturel, le parallèle, donnent peut être un peu de piquant et peut-être un élément de liaison, de rapprochement. »

A vos yeux, quelles formes prennent les excès de la modernité dans les campagnes aveyronnaises ?

« Les campagnes aveyronnaises sont peut-être plus protégées que d’autres par la pénétration de la modernité mais aujourd’hui, tous les médias et moyens de communication individuels, tel que le mobile qui s’est vraiment répandu comme une trainée de poudre, font entrer tous les défauts de la civilisation urbaine et de leurs comportements dans la vie quotidienne. Je crois en particulier que pour les jeunes, il peut y avoir un décrochage par rapport aux familles. Comme dans les cités, certains adolescents peuvent échapper complètement au contrôle familial.
C’est un lien traditionnel qui est en train de se défaire peu à peu. Il faut avouer que la culture familiale aveyronnaise a quand même du plomb dans l’aile maintenant. Ne serait-ce par exemple avec la désacralisation du mariage. Mais c’est une évolution inévitable pour toute société rurale. Il faut donc s’y adapter. »

Les pouvoirs de Jean
Editions du Rouergue – octobre 2016
288 pages
20,00 €