Livres

Daniel Carton poursuit sur le Off…

Après S’ils savaient à Paris et Bien Entendu c’est Off, Daniel Carton poursuit dans cette veine avec une Campagne Off.

off_campagneVoici un pavé dans la mare parisienne lancé d’Aveyron qui risque d’éclabousser bien du beau linge parisien, pas si propre que cela.
Ce pavé, c’est un Aveyronnais d’adoption installé depuis plus de douze ans dans le Rougier de Camarès qui l’a balancé.
Un livre de 200 pages, écrit à la première personne, qui raconte par le menu les errements et les liaisons incestueuses entre le personnel politique et le personnel médiatique, particulièrement les journalistes politiques.
Des femmes et des hommes dont le rôle devrait être particulièrement important dans une démocratie par la mise en lumière et le cadrage des débats. Alors qu’ils n’ont pour la plupart, comme nous l’explique en substance Daniel Carton, d’autres ambitions que de durer et de prospérer dans cette “caravane du Tour“ qui n’entend plus depuis longtemps les électeurs sur le bord de la route.

Toutes les vérités sont-elles bonnes à dire au peuple ? Le débat n’est pas nouveau mais le livre de Daniel Carton “Bien entendu…c’est Off» fait mouche auprès du lecteur car l’auteur cumule trois qualités rarement associées.

La première est l’expérience de l’arrière-boutique du journalisme politique. Au « Monde », il fut aux premières loges pour observer le fonctionnement d’une caste avec ses cadeaux, sa gestion bien comprise d’intérêts mutuellement protégés, les « amis » de longue date. Du coup, les grands médias, dit de référence, en prennent un coup…

La seconde, encore plus rare, est le regard, plutôt l’angle de vue d’un homme qui n’oublie pas d’où il vient. Un môme des corons né sur le tard, un père qu’il n’a pas connu et une mère qui l’aurait bien vu prêtre.
En toute bonne logique, Daniel Carton n’aurait sans doute pas dû se trouver là. Il n’est pas sorti du moule de l’élite, n’a pas fait Sciences-Po ou l’Ena.
En revanche, il sait entendre les soubresauts du peuple, de ce peuple dont il est issu et qui dérive parce que paumé, parce qu’il comprend trop souvent que le spectacle politique n’a plus grand chose à voir avec l’honnêteté et la vertu qui s’affichent dans les discours.
Quand les électeurs de la Somme pensent que leur rivière déborde parce que c’est « Paris » qui a fermé le robinet pour éviter que la Seine ne sorte de son lit, Daniel Carton ne se moque pas. Il cherche plutôt à comprendre comment une telle défiance a pu s’installer et déboucher sur des rumeurs aussi folles.

carton3La troisième qualité de l’auteur, c’est d’être animé par un franc ras-le-bol devant une pratique politique qui n’a plus d’autre repère que le cynisme.
Alors qu’est-ce que ce fameux « Off » ? Ce mot, que tous les journalistes connaissent, signifie à la fois l’entre-nous complice et le mur où s’arrête la Vérité.
Alors, il s’agit de profiter de ce moment rare où pour une fois le mur est mis à bas. Daniel Carton raconte par exemple pourquoi Valéry Giscard d’Estaing a préféré rallier le camp de Chirac aux européennes plutôt que celui de son successeur idéologique, François Bayrou. Par sens politique ? Non, plutôt parce que les gaullistes –au contraire de Bayrou- avaient accordé une place dans leur liste de candidats aux européennes à une compagne de l’ancien Président, accessoirement la mère de l’un de ses enfants. Et l’on repense alors à Mazarine…et à ces journalistes du microcosme parisien auto-censurés. Pourquoi ? Est-ce la crainte que les électeurs fassent un mauvais usage des informations ?

Bien entendu … c’est off“
Ce que les journalistes politiques ne racontent jamais.
Daniel Carton
Albin Michel
15 euros

Interview de Daniel Carton

La vie en Aveyron et l’observation des Aveyronnais de votre presbytère ont-elles été source d’inspiration dans l’écriture de cet ouvrage ?
Incontestablement. De mon presbytère du Sud-Aveyron, je me suis aperçu que les Averyonnais croyaient encore au catéchisme de la politique. Mais que le décalage devenait de plus en plus important entre ce qu’ils croyaient et ce qu’ils voyaient chaque jour..
J’ai toujours été frappé par la révérence pour le politique qu’ont les Aveyronnais. Je trouve qu’à Paris on leur rend mal ce respect qu’ils ont pour la politique.

Les travers que vous dénoncez dans votre ouvrage, collusion entre journalistes et hommes politiques, et ces journaux de province mouroirs de journalistes, existent-il également en Aveyron ?
On peut deviner qu’ils existent. Y-t-il en Aveyron des journalistes qui soit des “empêcheurs » de tourner en rond ? C’est toute la question.

Quand pourrait survenir le “grand fracas“ que vous nous promettez si les errements que vous dénoncez venaient à continuer ?
Le premier tour de la Présidentielle a laissé entrevoir qu’on ne savait ni le jour ni l’heure. Mais tout indique que le fossé continue de se creuser entre la soi-disante élite et le peuple. S’il n’y a pas de réaction collective contre la petite ambition de continuer, il faudra dès lors s’attendre alors à d’autres surprises. Ce qui ne serait pas étonnant de la part du peuple français.