Dimanche 27 août
Après la journée précédente où le drame côtoyait la joie et l’enthousiasme nous venons de passer une nuit assez tragique. Sans perdre de temps, les Allemands ont bombardé Paris.
Vers 11h quand chacun fatigué s’était endormi une ronde d’avions assez bas s’est fait entendre et l’alerte a été donnée tardivement qu’après le déclenchement de tir de DCA installée provisoirement encore. Premier éveillé ou mal endormi, je réveille Marcelle et Geneviève et pour la première fois nous nous hâtons de descendre d’abord à la cave chez nous puis après un peu d’accalmie à l’abri organisé dans la maison d’en face. Nous y trouvons la plupart de nos voisins. Le bombardement qui a peut être duré une demi heure a cessé et nous sortons pour voir. Une lueur rouge immense embrase le ciel dans la direction de la gare d’Austerlitz. Nous apprenons plus tard que c’est la halle aux vins qui brûle. Plusieurs autres foyers d’incendie ont été allumés dans différents quartiers.
Rien dans le voisinage. Nous nous recouchons. Nouvelle alerte vers 2 heures, relativement courte. Nous apprenons le matin qu’Ivry en particulier a été touché et Geneviève avec une de ses camarades y part pour se rendre utile.
Après déjeuner Marcelle et moi allons visiter les environs du Luxembourg et du Sénat gardant les traces encore intactes des combats ainsi que le boulevard St Michel avec ses barricades. (…) Ensuite, nous complétons le circuit par la rue de Rivoli, les Tuileries, rue d’Alger où de nombreuses voitures calcinées sont encore sur place. Enfin place de la Concorde. Au retour un cordon impressionnant de gardes mobiles empêche le passage Bd St Germain, il faut aller faire le tour par la rue de Lille et Verneuil. Il y aurait une conférence entre les chefs alliés au Ministère de la Guerre. Lundi 28 août
La nuit a été relativement calme. Quelques coups de fusils par ci par là. Les nerfs sont un peu détendus et la rue commence à reprendre son animation et un travail réduit recommence. Personnellement j’ai une journée assez chargée qui me sort un peu de l’ambiance extérieure encore un peu fiévreuse. Dans le calme de la nuit on a entendu une canonnade encore assez dense dans les environs nord et nord-est de Paris.
Les allemands sont encore du côté de St Denis et au Bourget. Les voitures militaires sont nombreuses et les FFI circulent pas mal soit en voiture soit à pieds, toujours en armes.
Mardi 29 août
Les troupes américaine cette fois défilent de l’Étoile à travers Paris mais nous ne les voyons pas car j’ai une consultation très chargée. Le général Bradley et de Gaulle les passent en revue à la Concorde. Elles sont, paraît-il, très impressionnantes par leur nombre et leur équipement. Cette fois une surveillance très sérieuse avait été prise tout le long du défilé et il n’y a pas eu de fusillade. Des coups de feu assez fréquents partent encore surtout au début de la nuit indiquant que le nettoyage n’est pas encore terminé. Les soirées sont tristes car la lumière n’est guère donnée qu’un quart d’heure ou une demi heure vers 9 heures et l’on se couche tôt à la lumière de la lampe Pigeon.
15 jours après la libération, les maisons sont encore toutes pavoisées. La guerre semble bien éloignée et l’on n’entend plus ni fusillade ni canon même alertes aériennes. Cependant on a signalé à Chatou quelques explosions de V1.
Hier soir un petit événement personnel nous a fait plaisir. C’est le retour inopiné de Raymond Cancelier, adjudant aviateur tombé du ciel en venant de Toulouse. Il avait passé 5 ans en Afrique sans voir sa famille. Nous sommes allés le voir après dîner pour lui porter une lettre à destination de Ste Geneviève car il devrait repartir ce matin en avion pour Toulouse et il n’y a encore aucune relation postale entre Paris et l’Aveyron.
Docteur Gondal
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