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Guillaume-Thomas Raynal (1713-1796) – Le Rouergat des Lumières

Le Philosophe des Lumières de l’Histoire deux Indes*

Après son passage au Mercure dont il tire une confortable pension, Raynal s’attelle à la réalisation de sa bombe à fragmentation. L’Histoire des deux Indes (le titre exact de l’ouvrage est « l’Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes ») se présente comme un état du monde, à travers l’histoire de l’expansion européenne depuis le XVIeme siècle.

Une compilation en six volumes, traitée par thèmes comme l’Encyclopédie à laquelle il a collaboré. Dans ce premier essai sur la mondialisation tout est passé en revue. On y trouve autant de mentions sur le café et le cacao, sur les indiens, l’esclavage, l’utilité ou non de la découverte de l’Amérique.

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Pour le concevoir Raynal se fait plus rédacteur en chef qu’écrivain et dirige le travail de dizaines de collaborateurs. Et quels collaborateurs, outre la « bande » de ses amis rouergats, on relève les noms de Diderot et de Mme de Staël. Enquêteur insatiable, il sait aussi puiser aux meilleures sources ses informations. Ainsi profite-t-il de ses bonnes relations avec Choiseul, secrétaire d’état aux affaires étrangères de Louis XV, pour accéder aux principaux dossiers du bureau des colonies. Mais il interroge également, sans relâche, des armateurs, des diplomates et des commerçants, les voyageurs, les militaires.
«Depuis les audacieuses découvertes de Colomb et de Gama, il s’est établi dans nos contrées, un fanatisme jusqu’alors inconnu ; c’est celui des découvertes. On a parcouru et on continue de parcourir tous les climats vers l’un et vers l’autre pôle, pour y trouver quelques continents à envahir, quelques îles à ravager, quelques peuples à dépouiller, à subjuguer à massacrer, celui qui éteindrait cette fureur ne mériterait-il pas d’être compté parmi les bienfaiteurs du genre humain ?»
Dès sa sortie en 1770, le livre a un impact énorme que Raynal ne va cesser d’amplifier lors des trois éditions suivantes. Le livre est interdit en 1772, mis à l’Index en 1774 et brûlé en place publique en 1781. L’homme qui sait maîtriser sa communication s’appuie sur ces interdictions, les suscite pour amplifier le succès…
Et de fait, entre la première édition de 1770 et la troisième, dix ans plus tard, le texte se fait de plus en plus radical. Critiquant la religion catholique notamment, le livre est condamné à être brûlé et lacéré par la main du bourreau. Pour éviter le cachot à la Bastille, Raynal quitte la France en 1780 et sillonne l’Europe. De la Hollande, à la Prusse en passant par la Suisse, il apparaît dans les cours européennes en martyre de la liberté de pensée. En 1784, il peut rentrer en France mais il est interdit de séjour à Paris. Il fait un come-back triomphal en 1784 à Saint-Geniez avant de s’installer à Marseille d’où il suit les débuts de la Révolution. Il décline la proposition de député aux Etats Généraux, invoquant son âge (76 ans).Raynal et la Révolution
Salué comme un bienfaiteur de l’humanité, il est adulé et vénéré par les Révolutionnaires. Mais il n’a pas perdu sa liberté de ton. En 1791, il dénonce les excès de la Révolution dans une Lettre à l’Assemblée. Les révolutionnaires n’apprécient pas du tout. Si sa popularité lui permet d’échapper à la guillotine, une campagne de dénigrement en l’accusant de sénilité va peu à peu le rejeter dans l’oubli. Il meurt en 1796, l’année même où le monument à la liberté qu’il avait bâti près de Lucerne est foudroyé.

Lire l’interview de Gilles Bancarel : Aveyronnais et Président de la « Société d’Etude Guillaume-Thomas Raynal »