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Boubal, un parfum de Vallée du Lot a flotté sur le Flore.

Christophe Boubal, de son vrai nom Christophe Durand, est écrivain. Il est le petit-fils du célèbre Paul Boubal (1908-1988) qui présida aux destinées du Flore, de 1939 à 1983. Le Flore, fondé en 1885, existait avant Boubal. Un café qui avait déjà une sacrée réputation puisque c’est là que Maurras fonda le journal de l’Action Française, à l’époque très influente. Apollinaire était aussi un de ses clients fidèles.

boubaldebouMais le rachat par Boubal du Flore en 1939 (ci-contre à gauche de la caisse) sonna l’âge d’or du café germanopratin. En témoigne, La Nuit de Saint-Germain des Près, le dernier album des aventures de Nestor Burma par Léo Malet et Moynot d’après les personnages de Jacques Tardi. Le patron du Flore y est croqué avec beaucoup de tendresse.
Christophe Boubal a publié en novembre 2004 un ouvrage très personnel, sur le Flore en forme d’hommage à celui qui fut le patron d’un des cafés les plus célèbres du monde. Paul Boubal, originaire de Sainte-Eulalie d’Olt, dont les parents avaient commencé par une affaire rue Ordener dans le XVIIIème et qui lui-même œuvrera au Bœuf sur le Toit avant de racheter le Flore.

bouba1900Avec Café de Flore, l’Esprit d’un siècle, Christophe Boubal passe en revue avec une infinie nostalgie cette période où l’esprit français concentré à Saint-Germain des Prés avait encore des lettres de noblesse. Evidemment le livre fourmille de ces dizaines d’anecdotes et de portraits de célébrités qui se sont croisées sur ses banquettes. L’ouvrage échappe difficilement au panégyrique de ce grand-père qu’il admire. Mais comment en vouloir à ce petit-fils dont le grand-père a vu le tout Paris se presser dans son café.
Boubal, a su attirer au Flore une élite intellectuelle, avec comme chefs de file, le tandem germanopratin Sartre-Beauvoir qui en firent leur “siège social“. Ce n’est pas le moindre paradoxe du bougnat Boubal. Comme son confrère, Cazes chez Lipp, il n’ouvrait jamais un livre, et il n’était pas un patron de gauche. A preuve les premières tensions avec le syndicat maison ne firent pas peu pour le pousser à finalement céder son fonds de commerce en 1983 (lire plus loin, Boubal en coulisses).

A côté des intellos, des acteurs et chanteurs, le Flore eut aussi la réputation d’être un grand rendez-vous homosexuel, ce qui fut, durant les années cinquante et soixante, plus que mal vu. Là encore, le paradoxal Boubal assuma ce côté sulfureux, même si sa fureur éclata le jour où il découvrit dans les toilettes de son café le graffiti « Boubal en est ! ». Tout comme il assuma les folies de ses clients et amis à commencer par Blondin qu’il allait chercher au Poste lorsque ce dernier, ivre, s’amusait à baptiser un poulet dans l’église de Saint-Germain-des-Prés et que le curé portait plainte. Paul Boubal, participa à cette époque facétieuse en créant le Pouilly Club de France, le PCF. Tout un programme à l’époque du Programme Commun !
Depuis 1984, Miroslav Siljegovic préside aux destinées du Café de Flore, il a repris également la Closerie des Lilas.

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 Paul Boubal, côté comptoir…
boubaljumelLa version de ceux qui ont travaillé au Flore sous le règne de Paul Boubal diffère forcément de celle du petit-fils.
« Je travaillais déjà depuis dix ans quand je suis arrivé au Flore en 1979. explique Francis Boussard, aujourd’hui maître d’Hôtel dans la même maison. Avec Paul Boubal, j’ai appris le métier comme jamais. Dans le travail, il ne laissait rien passer. Etre un garçon au Flore était, certes, très rémunérateur, mais loin d’être une sinécure. Il y avait d’abord le poids des plateaux. On pressait les oranges devant le client, sur un pressoir en argent. Boubal était à cheval sur le moindre détail. Il savait repérer la moindre tache de graisse sur une chocolatière d’argent.» (ci-contre en photo avec sa paire de jumelles en train d’observer son café).
«Mais sur le plan social, il était de l’ancienne école et ne comprenait pas toutes les nouveautés. Tous les garçons travaillaient 12 à 14 heures par jour avec un jour de repos par semaine et pas un quart d’heure pour déjeuner. Ca à commencer à râler et on s’est syndiqué à Force Ouvrière» explique celui qui fut le premier délégué du personnel du Flore. «Il avait du mal à accepter qu’on demande deux jours de congé par semaine et une demi-heure pour déjeuner. »
Un sou pas dépensé était un sou de gagné ! Paul Boubal avait également ses malices propres aux bougnats aveyronnais. Après 22 heures, comme par hasard, la machine à café ne fonctionnait plus, façon de pousser les clients à commander des alcools. Et gare au malheureux garçon qui ne découpait pas le citron en suffisamment de rondelles.
Côté scène : Paul Boubal savait orchestrer ses apparitions. «Grosso-modo, il venait deux fois par jour. Le matin, pour ouvrir son courrier à sa table et engueuler au téléphone ses fournisseurs devant les clients ravis qui n’en rataient pas une. Il revenait à l’heure de l’apéro où il retrouvait sa cour, avec son Pouilly Club. Il y avait aussi le départ en week-end le vendredi soir, au volant de sa grosse Mercedes.»

Le Père Sartre, qui fit plus qu’aucun autre, pour la réputation mondiale du Flore, aurait-il été solidaire d’une grève des garçons du Flore au nom de de la défense des travailleurs ? Vraie fausse question existentielle ?