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L’impact du viaduc sur l’économie du Sud Aveyron. Interview de Jérôme Rouve, le président de la CCI de Millau

Le benjamin des présidents de CCI de France est un autodidacte de 42 ans. Sorti de l’école à 16 ans, conducteur de tracteur dans une ferme de Camarès, Jérôme Rouve a suivi plus tard une formation de technicien agricole avant de devenir commercial.

A 23 ans, il crée son entreprise de négoce de produits agricoles, le Socopa. L’homme ne fait pas dans la langue de bois. A la tête de la CCI de Millau, il se bat pour attirer les entreprises en Sud Aveyron. L’effet viaduc lui permet de dynamiser le tissu économique local et de pousser les uns et les autres à se remettre en cause dans une région millavoise souvent taxée de conservatisme mental et d’immobilisme vivant sur la grandeur passée de l’âge d’or du gant. Depuis peu de nouvelles entreprises et non des moindres s’installent. Si tout se concrétise, cela pourrait représenter déjà près de 400 emplois directs.

Globalement comment évaluer l’impact sur Millau lié au viaduc ?
«On a été surpris à ce que ça démarre aussi fort et aussi vite. D’une façon générale, l’effet viaduc génère une augmentation de 10 à 35 % sur le chiffre d’affaires des entreprises. Dans un premier temps, c’est le secteur de l’Hôtellerie-Restauration, qui en a plus profité avec des hausses de 20 à 35% puis les activités de camping et de pleine nature. »

Justement, sur la restauration, bien des visiteurs se sont plaints de ne pouvoir manger, soit que les établissements ne servaient plus, soit qu’ils étaient complets ?
«C’est la rançon de l’affluence, je connais des restaurants proches du viaduc qui refusent 150 clients par jour. De plus, les 35 heures et autres lois sociales ne sont pas toujours compatibles avec la flexibilité nécessaire à la restauration. J’ai réuni les restaurateurs de Millau pour voir que l’on pouvait faire. On a publié un plan pour indiquer aux visiteurs tous les restaurants ; j’ai également essayé de sensibiliser les professionnels sur l’accueil et la qualité des prestations tant il est vrai qu’il n’est pas toujours facile d’aborder ces sujets.»

Mais l’effet viaduc n’aura qu’un temps ?
«L’effet viaduc durera le temps qu’on le fera vivre. A nous de nous creuser la cervelle pour mettre sur pied une stratégie générale avec des rappels et des animations. »

rouveviaducLe viaduc est aussi un formidable booster pour l’image de Millau . Est-il mis à profit pour attirer des entreprises hors secteur touristique ?
«Viaduc ou non, la fin de l’A75 et le contournement géographique de Millau joue de toute façon pour des entreprises qui recherchent une localisation pertinente. Ainsi l’entreprise Louisiane qui fabrique des mobiles homes s’est installée à la Cavalerie. On devrait également voir s’installer une entreprise de Sète qui fabrique des encadrements, une entreprise de décoration ainsi qu’une entreprise anglaise spécialiste du plastique des centres de productions. Nous en sommes presque déjà à 400 emplois directs. En plus de sa localisation, Millau jouit d’une très bonne image auprès des patrons en quête d’implantation. Nous n’avons pas de problèmes de place, ni d’insécurité pour les biens et les personnes. N’oubliez pas que voilà vingt ans, IBM avait cherché à s’installer en sud Aveyron…»

Malgré la qualité de vie, une situation géographique rendue idéale par le maillage autoroutier, cela ne paraît pas si simple à attirer des entreprises d’une certaine taille ?
«Non, parce que paradoxalement la main d’œuvre en Sud Aveyron n’est pas nombreuse. Du coup, il y a des résistances sur place. Les entreprises locales ne regardent pas toujours d’un bon œil l’installation d’homologues, ou, pire, de concurrents, tentés de débaucher leurs personnels et poussant à une augmentation des salaires. Et puis, les collaborateurs d’entreprises du tertiaire par exemple dans les métiers du marketing ou du commercial, ne veulent pas s’implanter hors des grandes villes, on l’a vu avec Synélec.»

Vous encouragez également la reprise des petites entreprises ?
«Paradoxalement, de plus en plus de gens recherchent à reprendre des petites affaires en milieu rural, soit que le littoral est trop cher, soit qu’ils recherchent une qualité de vie sans insécurité pour les biens ou les personnes. Jusqu’à maintenant, on travaillait au coup par coup, on va désormais coordonner une vraie politique de reprise d’entreprise pour anticiper les demandes et faire en sorte que les passages de témoin se passent au mieux. »