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Cyril Lignac

Cyril Lignac, la bonne étoile de l’animateur ou la bonne lucarne du chef ?  Ils l’ont fait longtemps mitonner les gens du Michelin avant d’accorder à Cyril Lignac une étoile pour son restaurant parisien le «Quinzième». Et sept ans, pour un gars qui avance à la vitesse de la lumière médiatique c’est comme 1000 ans pour un pékin lambda…

Car aucun cuisinier en France n’a connu un parcours aussi stratosphérique. Ni Vatel, ni Beauvilliers, seul l’Anglais Jamie Oliver*, dont l’émission de la BBC the «Naked Chef» fut un peu le modèle du «Oui Chef» de M6, a connu aussi une telle ascension. Il y a bien sûr sa belle gueule de cadet et sa faconde. Elles n’ont pas manqué de séduire les producteurs télé qui ont eu le nez creux. Car dans la besace du Ruthénois formé à Villefranche, il y avait aussi un savoir-faire de cuisinier talentueux et surtout la ténacité d’un cep de fer servadou à faire son trou. Ainsi Cyril Lignac a réussi avec malice à faire pénétrer dans l’univers gastronomique des millions de foyers et à susciter des vocations chez des jeunes à l’horizon bouché.

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D’autres avant lui comme Raymond Oliver ou Alain Passard ont prouvé qu’on pouvait réussir en étant au four et au moulin télévisé. Mais lui a explosé tous les comparatifs. A 34 ans, ce natif de Rodez se retrouve avec son émission, son restaurant, ses bistrots, ses magazines sa quarantaine de bouquins. Et même sa marionnette aux Guignols. Dans ce milieu narcissique de la gastronomie, il ne doit pas avoir que des amis. Un prodige. De quoi vous faire enfler la cafetière. Mais derrière la démultiplication de l’image version Big Brother, la seule question qui vaille est la suivante ? Sans la TV, le Ruthénois aurait-il décroché son macaron ? Il n’y a pas de raison de penser le contraire. Il aurait pu décrocher son étoile. Il aurait dû mettre plus de hargne pour convaincre des investisseurs. Vu son potentiel, il y serait parvenu. A partir d’un certain moment, on n’est pas là par hasard.
Reste que la star formée au Lycée hôtelier de Villefranche-de-Rouergue semble entretenir comme une relation un peu contrariée avec l’Aveyron. Comme s’il était rétif à le mettre en avant dans son parcours. Est-ce liée à de mauvaises expériences initiales, une revanche à prendre ? C’est un peu dommage pour le département et quand on connaît le chauvinisme des Rouergats. Mais Lignac n’a pas fini d’écrire son histoire et nombreux au pays sont ceux qui louent sa simplicité et la fidélité aux copains d’enfance. Ou encore la main tendue à un jeune apprenti originaire d’Aveyron à Paris. Quand il retourne en Aveyron c’est pour se ressourcer et oublier la marmite médiatique.
Au moment où il se lance dans un tour de régions où il s’agit de valoriser les terroirs français, on peut espérer qu’il fera halte en Rouergue. Quant à lui, on ne peut que lui souhaiter que sa bonne étoile lui en amène une seconde et de ne pas péter les plombs. Mais aussi de ne pas retourner sa veste en vantant les mérites du hard-discount ou de produits étant l’antithèse du terroir comme d’autres chroniqueurs gastronomiques aînés l’ont fait pour quelques piastres de plus.
Car force est de constater que les tomates n’ont plus de goût et que les sols s’assèchent sous l’effet d’une irrigation forcenée. On n’a peut-être jamais autant parlé de cuisine, mais le plus grand nombre n’a jamais aussi mal mangé, période de l’Occupation mise à part. C’est une diversité alimentaire française qui s’effiloche. Du coup, face à la trajectoire du module Lignac on a envie de paraphraser le défunt oncle de Spiderman. «Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités.» Et oui, chef !

*L’a-t-il fait exprès. Son précurseur britannique Jamie Oliver a ouvert un restaurant londonien baptisé le « Fifteen », comme en écho, Cyril Lignac a ouvert le « Quinzième ».