l'Aveyron à Paris Livres

Quatre générations de bougnats dans le quartier Saint-Germain-des-Prés au Café du Métro

La Seconde guerre mondiale et les caves de la Résistance

Arrivent cependant les heures sombres de la guerre de 1939 et de l’Occupation. La clientèle se raréfie et le café vit en quelque sorte au ralenti. Comme bien d’autres, les propriétaires établissent des filières d’approvisionnement avec le pays natal, et les solidarités familiales et provinciales jouent à fond. En dépit de la présence allemande, une forme de résistance à l’occupant se manifeste, et les caves et chambres de service de l’immeuble servent plus d’une fois de caches aux résistants. On y range aussi le dessus de comptoir en étain pour le soustraire à la convoitise des Allemands à la recherche de matières premières pour leur industrie de guerre.

café du Métro Paris années 1940

café du Métro Paris années 1940

De manière moins anecdotique, c’est dans cet immeuble qu’une de ses habitantes, jeannette Drouin, prenant la suite de son mari René, arrêté en juin 1941, organise la liaison entre divers réseaux de Résistance, y cachant même des aviateurs anglais et du matériel de radio. Arrêtée à son tour en novembre 1942, elle est déportée et mourra peu après son retour en mai 1945. Une plaque, apposée en 2004 au-dessus de la porte cochère du 13 rue du Vieux-Colombier, leur rend l’hommage qu’ils méritent.

Après la Libération, précisément, Paris renaît progressivement à la vie normale. Comme beaucoup de jeunes filles, la jeune Marcelle n’aurait pour rien au monde manqué le bal du 14 juillet 1945. Elle y rencontre celui qui va devenir son mari, jean Naudan.

rue de rennes Paris années 30

rue de rennes Paris années 30

Deuxième génération : Marcelle et Jean Naudan

Faisons un bref retour dans le temps. Vers 1890, soit un peu avant Émilie Magne, un autre Aveyronnais était monté tenter sa chance à Paris. Né à Coubisou, à quelques kilomètres au sud de Saint-Amansdes-Côts, Baptiste Naudan tient à Créteil, dans la proche banlieue, un dépôt de bois et de charbon. Marié à une compatriote, Eugénie Rieu, il se retrouve à la tête d’une famille de trois enfants, trois garçons, Célestin, René et jean, qui sont élevés à la ferme familiale de Coubisou par leurs grands-parents.

À son décès prématuré pendant la Première guerre mondiale, sa veuve continue l’exploitation du dépôt de bois et de charbon, rejointe en 1920 par ses trois garçons. Mais, rétifs à la dureté du métier de « bougnat », aucun ne souhaite reprendre le commerce paternel, préférant se placer comme garçons de café. Ils réussiront tous les trois : Célestin deviendra propriétaire du café-hôtel La Pinte du Nord, rue de Saint-Quentin dans le xe arrondissement près de la gare du Nord, et René, celui du café Le Corona, rue du Louvre dans le 11e arrondissement. Quant à jean, le benjamin né en 1915, il débute tout jeune comme commis au café Rey, place de la Bastille dans le XIe arrondissement, et le reste jusqu’à son départ pour le service militaire. Mobilisé en 1939, il est fait prisonnier.

Libéré après quatre ans de captivité, il retrouve Paris. Il se rend au bal du 14 juillet 1945, il y rencontre la jeune Marcelle Legrand. Ils ne se quitteront plus.
Ils se marient. Jean Naudan se trouve dès lors associé à la gestion du Café du métro (Fig. 5) et les parents Legrand prennent leur retraite.
L’établissement est alors moins étendu qu’actuellement. À côté, rue de Rennes, au rez-de-chaussée du même immeuble, se trouve à cette époque la boutique d’un chapelier, Vanhautère. Quartier Saint-Sulpice oblige, ce commerçant avisé s’est fait une spécialité des coiffures pour ecclésiastiques. Mais la concurrence est rude » et, comme le port de couvre-chef passe de mode, même chez les ecclésiastiques, Vanhautère ferme boutique en 1953.

Les Legrand-Naudan ne laissent pas passer l’occasion qui se présente de s’agrandir, ils acquièrent la boutique, réunissent les deux locaux et mettent en place une décoration plus moderne avec éclairage au néon en façade, skaï et inox dans la salle. Parmi les premiers, ils dotent leur établissement d’une cabine téléphonique. Ils modifient également l’enseigne, qui devient un temps Au métro. Mais trop bien implanté pour changer de nom, l’établissement reprend rapidement son appellation d’origine, qu’il a conservée jusqu’à nos jours.

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